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Anxiété

Article dans Le Temps du 20.11.2019

C’était au début d’août. Quatre cent trente jeunes activistes du climat venant de 38 pays européens ou proches se sont retrouvés dans les locaux mis à disposition par l’Université de Lausanne pour la réunion SMILE (« Summer Meeting in Lausanne Europe”,  https://smileforfuture.eu). Tous étaient associés au mouvement « Grève du climat » initié à peine une année plus tôt quand Greta Thunberg est allée s’asseoir devant le parlement suédois pour protester contre l’inaction des dirigeants face à la crise climatique. Rien n’est plus fort qu’une idée juste arrivant au bon moment. La déferlante des jeunes pour le climat s’avère être un phénomène mondial, extraordinaire et puissant.

Durant la semaine SMILE, les participants ont beaucoup travaillé à la suite de leur action et sur les moyens de la renforcer et de la poursuivre. Une partie du travail se faisait en atelier. J’ai participé au groupe intitulé « Anxiété ». J’y suis allé parce que je pensais que nous parlerions de communication avec le public. Faut-il chercher à provoquer l’anxiété ? Faut-il que chacun s’empanique face à la situation dramatique à laquelle nous sommes tous confrontés ? J’y allais avec un parti-pris: « non, il ne faut pas cultiver la panique,  mais oui, il faut connaître la situation et savoir que l’on peut la maîtriser si on y met le paquet».

Le groupe était formé d’à peu près autant de filles que de garçons ; l’âge moyen était 17ans et demi. La discussion ne s’est pas passée comme je m’y attendais. La première intervention fut celle d’une jeune fille racontant comment elle s’était sentie misérable d’avoir rencontré tant d’indifférence et de critique alors que son groupe s’investissait avec enthousiasme pour appeler sa petite ville à venir lutter avec eux pour le climat. Le ton était donné et presque tous les participants ont repris le thème, chacun à sa façon, avec beaucoup d’émotions, des larmes et des voix cassées. Ce n’était pas le drame du climat qui les mettait dans cet état, c’était l’anxiété de ne pas se sentir à la hauteur de la tâche énorme qu’ils prenaient sur eux ;  c’était la fâcherie et l’incompréhension d’être laissés seuls par ceux qui, naturellement, auraient dû porter la lutte. Je reconnaissais les mots de Greta Thunberg le 15 décembre 2018 à la conférence de l’ONU sur le climat en Pologne : “Vous ne parlez que de continuer avec la même mauvaise idée qui nous a mis dans ce pétrin alors que la seule chose sensée serait de tirer le frein de secours. Vous n’êtes pas assez mûrs pour dire les choses comme elles sont. Même ce fardeau, vous le laissez à vos enfants.“ Nous étions deux adultes à participer à ce groupe, mon collègue était médecin, spécialiste du stress induisant les troubles du sommeil. Chacun a entendu parler des dégâts du stress post-traumatique, mais lui m’expliquait que les spécialistes commencent à se rendre compte que le stress pré-traumatique est aussi une réalité. Il en voyait les prémisses parmi les jeunes qui nous entouraient.

C’est vrai, le défi est formidable (formidable : qui inspire une grande peur). Quand c’est notre civilisation et nos valeurs fondamentales qui sont en péril, il faut être ignorant ou vieil égoïste pour ne pas se sentir bouleversé.

Les jeunes que je connais, engagés dans le mouvement Extinction Rebellion ou dans la Grève du climat, sont intelligents, bien informés et courageux ; ils savent où ils veulent aller – maîtriser la crise du climat – et ils ont des idées précises quant au chemin pour y arriver. Ainsi, leurs mouvements affirment fermement le principe de la non-violence envers les personnes et aussi envers les choses.

Mais nous vivons dans un monde violent. L’actualité nous le dit assez. J’ai récemment découvert le ton qui règne quelquefois sur les réseaux sociaux. Peut-être est-ce ce qui a induit le vilain cauchemar que j’ai eu récemment. C’était dans ma petite ville de Morges. Ici, souvent, les gens sourient et me saluent sympathiquement quand on se croise. Dans le rêve, c’était différent. Un adolescent passe, il me regarde dans les yeux et me dit “salaud “. Aïe ! Il avait en lui la fureur de se sentir piégé dans un monde dégradé par les excès des générations qui ont précédé.

Ne nous faisons pas d’illusions, il sera difficile et il faudra veiller fermement pour que la non-violence reste le fondement de la lutte pour le climat. En vérité, il serait épouvantable que jeunes et vieux se mettent à se battre les uns contre les autres, mais, comme il est commun entre deux parties, quand la violence se lève, les responsabilités sont partagées. Il est vital que les jeunes, ceux qui, dans quelques décennies, subiront les pires chocs de la crise, comme aussi les moins jeunes, en particulier ceux qui ont en main les leviers du pouvoir, agissent dans la bienveillance pour lutter et vaincre ensemble. Quant à la désobéissance civile dont on fait grand cas ces derniers temps, j’espère que les jeunes sauront l’utiliser avec raison et que les moins jeunes ne s’agiteront pas pour autant. Ne nous braquons pas sur la forme, sur le fond, les jeunes ont raison

Qui conduit le Monde?

Discussion avec Gilles. Je parle de cette toute petite minorité qu’étudie Piketty. Ils ont le capital, passent d’un conseil d’administration à l’autre et disent aux politiciens ce qu’ils ont à faire. Gilles n’aime pas cette vision à odeur de théorie du complot. Il dit: « Oui, ces gros agitent le monde en tirant sur de plus grosses ficelles que nous. Ils ne savent quand même pas où ils vont. Aucune force humaine n’est actuellement capable de conduire le Monde ».

Je suis d’accord.

Comment faire mieux?

 

Certaines fourmis collaborent à une tâche qui les dépasse sans pour autant connaitre le but de leurs efforts. Ofer Feinerman de l’Institut Weizman en Israël nous expliquait comment leur système fonctionne lors d’un récent séminaire au DEE.

http://wws.weizmann.ac.il/complex/feinerman/research-activities

Capture d’écran 2015-04-14 à 15.48.32

Sur cette image et dans ce film, chaque fourmi est marquée et sa trace est enregistrée en couleur. Elles sont une 15-aine à porter un gros biscuit. Comment se dirigent-elles vers la fourmilière?

Le système fonctionne ainsi. Les fourmis se déplacent individuellement sur un chemin marqué d’odeur. Une fourmi allant fourrager rencontre un groupe portant une lourde charge. Elle se joint à l’effort. Elle sait de quelque côté il faut aller. Pendant quelques dizaines de secondes, elle utilise ses forces à tirer le fardeau dans la bonne direction. Après quoi, elle a perdu la mémoire de la direction. Elle cesse de vouloir aller quelque part, mais elle continue de porter. Entre temps, d’autres fourmis sont fraichement arrivées pour prendre la relève de l’impulsion directionnelle. Avec l’arrivée des nouvelles, les plus anciennes, partent vers d’autres tâches. Et ainsi de suite.

Ce système fonctionne pour les fourmis. La vulgate néolibérale prétend que la main invisible de l’économie a un effet semblable. C’est une tromperie que défendent ceux qui en tirent bénéfice.

Ce que dit Gilles – et moi avec lui – c’est qu’il n’y a pas d’algorithme pour faire marcher notre Monde.

Tant pis, tant mieux, mais il y a peut-être quand même une recette:
élargir son horizon et agir « evidence based ».

Pour le climat, contre la pauvreté.

Conférence annuelle de la DDC et du SECO.

Genève, le 29.08.14

L’organe.
Martin Dahinder, directeur sortant du Département Développement et Coopération (DDC) termine la conférence par un court exposé dont presque tous les mots m’ont paru juste, malheureusement le tout dans une parfaite  pâleur politique. Est-ce pour des raisons d’équilibre que le programme du colloque offrait à l’économie une place égale à celle de la société civile ? Oui, il est nécessaire que l’économie soit partie de l’aide au développement mais, non, il ne faut pas croire que le but de l’une est le but de l’autre. Lucy est d’avis que c’est le manque de vision politique de tous ces gens qui est en cause. Je me demande s’il n’y a pas quelque chose à comprendre dans le fait que Martin Dahinder quitte le poste pour devenir embassadeur de Suisse aux USA et qu’il sera remplacé à la tête de la DDC par celui dont il reprendra la place. Voila qui fait penser au jeux des chaises musicales des directeurs et administrateurs des grandes banques et firmes Suisses.

La fonction.
Comment notre société peut-elle devenir durable  et comment surmonter la pauvreté ? Le premier panel du programme offrait une bonne synthèse illustrant  l’incompréhension des protagoniste et le déséquilibre de leurs forces. Pour Nick Beglinger de swisscleantech , le problème est technique; une bonne taxe sur l’émission de CO2 pourrait avoir le meilleur effet. Pour Renc Orlana, ambassadeur de Bolivie à l’ONU, le problème est bien plus complexe, il s’agit d’humanité et de politique. En famille, nous croyons que le second à plus juste que le premier et, suivant Piketty, nous savons qu’il faudrait commencer par limiter la disparité entre riches et pauvres, valoriser les personnes et leur travail, dévaloriser le capital.

On cherche urgemment des gens généreux, intelligent et large d’esprit. Dur, dur et dur!

 

Contournement de Morges

Il y a quelques mois, malgré – ou si l’on veut, à cause de – mon incompétence, j’avais soumis aux membres du PS et des Verts morgiens une analyse des différentes variantes proposées pour l’autoroute de contournement de Morges. Depuis lors, une forte majorité morgienne se profile en une sorte d’union sacrée en faveur du « grand contournement avec piqure et déclassement de la traversée de Morges ». De plus, notre très compétent municipal Éric Zugger m’a apporté un bon nombre de précisions dont l’une me réjouit particulièrement : il n’est pas prévu de jonction au nord-ouest de Morges, vers la Vogéaz. Tant mieux, une belle plaine sera épargnée. Malgré tout cela, je suis de plus en plus mal à l’aise avec le projet. Plus j’y réfléchis, plus je vois les choses différemment. Je m’explique. Continuer la lecture de Contournement de Morges