Octobre 2015

Actualité scientifique selon Jacques

Octobre 2015 (envoi du 20.11.15)

(Nous gardons un oeil attentif sur la cryo-ME:

– Du, J., et al., Glycine receptor. Nature, 2015. 526(7572): p. 224 – 229.

– Shen, Q.-T. and …. HIV-1 Nef hijacks clathrin coats by stabilizing AP-1:Arfl polygons. Science, 2015. 350(6259): p. 398. http://dx.doi.org/10.1126/science.aac5137. Progrès sur la structure et la fonction du complexe impliqué dans la formation de vésicules dans la membrane.

– Hu, Z. and … Structural and biochemical basis for induced self-propagation of NLRC4. Science, 2015. 350(6259): p. 399 .

– Zhang, L., …, and H. Wu, Cryo-EM structure of the activated NAIP2-NLRC4 inflammasome reveals nucleated polymerization. . Science, 2015. 350(6259): p. 404 – 409.

Deux articles semblables sur la structure et fonction de l’inflammasome, le fameux complexe découvert en Biochimie à Lausanne par Jürg Tschop – hélas mort en montagne. Il joue un rôle essentiel dans la mort cellulaire programmée. Cryo-me de 4 – 6Å.

– Jiang, J., …, and J. Feigon, Structure of Tetrahymena telomerase reveals prlviously unknown subunits, functions, and interactions. Science 2015. 350(6260): p. 529.)

 

01.10.15 Scientific American

– 26 – 32. NEUROSCIENCE, POLITIQUE, RECHERCHE. S. Theil, Le point sur le Human brain project (HBP) de l’EPFL. Descente en flamme du projet, de Markram en particulier et de la façon par laquelle la Commission Européenne a accepté le projet. Et maintenant? Après l’acceptation des critiques du rapport de médiation, le projet devrait subir une révision radicale dont les éléments ne sont pas encore connus. On sait toutefois que tous les groupes participants – y compris Markram – devront renouveler leur demande de financement tous les deux ans.

Une des principales critiques qui était formulée contre Markram était qu’il n’avait rien publié de sérieux depuis 2005 quand il a mis en route le Blue Brain Project, initiateur du HBP.

Est-ce le prélude au renouveau? Voilà une première réponse publiée ce mois: Markram, H. et al. Reconstructioon and simulaton of neocortical microcircuitery. Cell, 2015. 163(2): p. 356 – 492. Est-elle à la hauteur? J’attends que des compétents me le
disent.

 

01.10.15 Nature 526, 7571

– 6. POLITIQUE, DÉVELOPPEMENT. Buts du développement de l’ONU. Il faudrait en parler et ne pas suivre la foule que ne fait que critiquer.

– 8. ÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, MICROPARTICULES. Geophys. Res.Lett. http://doi.org/7tt(2015). Les microparticules dans l’atmosphère retiennent la lumière solaire et abaissent la température. J. Fyfe et al. du Centre de modélisation du climat au Canada arrive à la conclusion que, si atteints, les buts d’amélioration de la qualité de l’air par la réduction des microparticules auront pour effet d’avancer de 12 ans, à 2045, le moment où l’océan Arctique sera sans glace en été. Merci VW.

– 52 – 53, 68 – 81, 82 – 90. GÉNÉTIQUE DES POPULATIONS. Le projet des 1000 génomes veut comparer les ADN de 1000 personnes choisies dans toutes les populations. Il arrive à son terme, les données sont à disposition de tous, l’analyse se poursuit. Le UK10K vient un peu plus tard et vise à peu près la même chose avec 10’000 génomes. Le nombre est important parce que nous sommes tous des cas uniques dans des populations chaque fois spéciales. À la fin, chacun aura son génome dont on pourra faire dire tout ce qu’il a à dire. Pour le moment l’effort est orienté maladie et médecine, mais tout le reste est là, sous-jacent (voir la figure pour un exemple des données obtenues.) Au départ, on recherchait les SNP (single nucleotide polymorphisme: changement d’une seule lettre)*. Fonctionnellement plus importants sont les « indels », c’est a dire l’adjonction ou la soustraction d’une lettre. Plus importantes encore et fonctionnellement plus spécifiques sont les aditions ou délétions de séquences entières, quelques fois, très longues. Cartographier tout cela est une chose, maintenant relativement facile a faire avec les méthodes actuelles de séquençage. Lui donner sens en terme fonctionnel (phénotype) en est une autre qui nécessite de connaitre la personne en détail. Suivent alors toutes les questions concernant le consentement éclairé des personnes étudiées et la préservation de leur anonymité. A-t-on, par exemple, le droit d’ajouter au dossier de la personne des données venant d’autres sources (dossier administratif, médical, de police, etc.)? La tendance actuelle est à une restriction plus grande. Toutefois, plus on apprend à interpréter le génome d’une personne, moins elle est anonyme. En fin de compte, le génome est le passeport absolu (même pour les jumeaux vrais si la carte est assez détaillée).

genet pop 1

  1. a) Les différentes ethnies étudiées.

genet pop 2

  1. b) Nombre de variants porté par un individu par rapport à d’autres personnes du même groupe. On note que la richesse génétique humaine est la plus forte dans les populations africaines. C’est normal, car eux ont moins subi la réduction liée au départ d’Afrique par le groupe restreint dont les autres populations sont issues. C’est du moins ainsi que le veut le consensus du moment; il s’enrichira sans doute à l’avenir.

 

* Petite explication. Les gènes codent pour des protéines qui sont une suite d’acides aminés, sélectionnés parmi 20. Chaque acide aminé est codé par 3 lettres de l’ADN (codon), elles-mêmes choisies parmi les 4 bases A,T,G et C. 43 = 64. Il y a donc 64 « mots » pour choisir 20 acides aminés; le code est dégénéré, des codons différents peuvent dire la même chose. Ainsi il existe des SNP conservateurs qui ne changent pas le message. Ils ne sont donc pas soumis à la pression de sélection (sauf finesse). Les SNP non conservateurs ont généralement un effet délétère, quelquefois ils apportent un avantage. Dans le premier cas, ils seront négativement sélectionnés et se ratifieront au cours du temps. Les positifs s’affirmeront petit à petit dans la population. Le compte des SNP sur- ou sous-abondants dans une région de l’ADN, détermine si la région est + ou – sélectionnée, c’est-à-dire si elle porte un phénotype favorable ou défavorable. Avec cette détermination, la seule conclusion qui peut être tirée est que l’ADN porte un message important dans la région correspondante. Lequel? C’est une autre affaire.

 

2.10.2015 Science 350, 6256

– 37, 94 – 98. BIOLOGIE DU DÉVELOPPEMENT, CERVEAU, SÉQUENÇAGE. Les biologistes. Lodato et al. Le développement d’un cerveau humain révélé par les mutations accumulées. L’arbre de l’évolution, dessiné pour la première fois par Darwin dans l’Origine des Espèces est construit à partir des mutations qui, au cours du temps, séparent les espèces de leurs ancêtres communs. Une analyse plus fine rapportée récemment (Science, 11.09.15) reconstruit l’arbre de la différentiation à l’intérieur d’une même espèce, l’homme. Un gros pas de plus est fait ici: l’arbre de l’évolution des cellules d’un même individu. Entre espèces, le texte ADN varie généralement par au moins quelques %. En terme de nombre de lettres A, T, G ou C, cela fait quand même beaucoup; entre individus de l’espèce humaine, la différence est au niveau du 0/00, ce qui correspond encore à quelques millions de lettres de différences. Entre cellules d’un même individu qui n’ont eu que quelques années pour diverger, la différence est beaucoup plus faible, quelques milliers de lettres. Le problème est donc similaire à comparer de très gros livres qui diffèrent d’une lettre par mille pages en moyenne. Pour s’y lancer, il faut d’abord très bien savoir lire. On comprend que ce ne soit que maintenant, avec les récents progrès du séquençage que ce genre d’étude est devenue possible.

D’où viennent ces différences, correspondant à des mutations de l’ADN. Les erreurs de réplication (duplication) de l’ADN lors de la mitose (division cellulaire) sont la cause la plus commune d’erreurs. Elles ont lieu au hasard, n’importe où dans l’ADN. Comme la plus grande partie de l’ADN n’a pas une fonction bien déterminée, (on l’appelait stupidement « junk DNA », aujourd’hui on lui attribue une fonction d’équilibre global), la plupart de ces mutations n’ont guère d’effet. Durant les premiers mois du développement, toutes les cellules se divisent rapidement et sont donc sujettes à ce genre de mutations. Certaines cellules continuent à se diviser toute la vie (peau, sang), la plupart ralentissent, certaines s’arrêtent presque complètement (cellules nerveuses). Pour ces dernières, une autre cause d’erreur s’accumule lentement. Elle à lieu lors de la transcription (lecture) du message de l’ADN lors de l’activité normale de la cellule. Ces erreurs ont donc de fortes chances d’interférer avec le fonctionnement normal de la cellule.

Dans le présent travail, les auteurs ont analysé 36 neurones voisins du cortex frontal d’un individu. Ils les ont comparés entre eux et avec des cellules d’un peu partout dans le corps. Deux conclusions importantes ressortent.

(i) Quoique voisins dans le cerveau, les neurones ont vécu des chemins évolutifs qui ont divergé tôt dans le développement de l’individu, chacune de ces lignées ayant aussi donné des descendants dans toute autre région du corps. Ainsi, tel neurone est cousin d’une cellule du foie et du coeur alors que le neurone voisin est cousin d’autres cellules de ces mêmes organes. En fait, chacun des neurones de la population étudiée était plus proche parent d’une cellule du muscle cardiaque que de 75% des neurones voisins. Ceci prouve que, comme le schématise la figure, les lignées cellulaires ont été brassées tôt dans le développement.

arbre du cerveau Sci 2.10.15, 37

La 2e observation est que, des quelques 1000 mutations accumulées dans chacun des neurones étudiés (la plupart étant uniques à cette cellule) une forte proportion se situe dans les parties du génome codant pour des protéines ou des séquences de contrôle puisque ces mutations se sont accumulées dans des cellules actives, mais ne se divisant pas. Ces mutations dérèglent spécifiquement le fonctionnement cellulaire. Typiquement, elles induiront des cancers, de l’épilepsie où, éventuellement, elles pourraient initier la fameuse catastrophe de l’initiation du prion débouchant sur la maladie d’Alsheimer ou de Parkinson. Bref, l’homme est souvent fou parce que les cellules nerveuses ne se divisent presque pas. Dommage!

 

– 41-2 (Insight), 87 – 90. ATMOSPHÈRE, MÉTÉOROLOGIE. Clément. Beals et al. Structure des nuages à l’échelle centimétrique. Clément nous décrivait récemment une étonnante observation faite à Minzier. Une fine fente du toit laissait passer un mince plan de soleil qui illuminait la fumée montant de la grillade, révélant ainsi la délicate structure de la fumée. Clément avait une petite avance, quelques jours plus tard le présent article analysait essentiellement le même phénomène.

Un nuage semble être une grosse masse amorphe. Toutefois, les bords qui se découpent sur le ciel sont souvent finement ciselés. Se peut-il que cette fine structuration corresponde à la vraie nature du nuage, mais qu’elle disparaisse à nos yeux quand elle se fond dans la masse? Pour répondre à cette question, les auteurs ont utilisé la méthode de Clément. Ils ont monté sur un avion un laser illuminant un mince plan de lumière observé perpendiculairement depuis l’avion. La figure montre le résultat. Les nuages turbulents sont finement structurés jusqu’à l’échelle du cm.

Section de nuage 2015-10-28 à 16.22.49

L’observation de Clément porte sur des particules de fumées. Dans un nuage ce sont les gouttelettes d’eau. On conçoit que les résultats présentés ici soient d’une grande importance pour le météorologue; nuage ou pas nuage? C’est bien la question. Voyons quelques variables du problème. Dans un nuage typique, la fraction d’eau liquide est de 10-6. Cette masse est répartie en n gouttes dont le volume varie avec le cube du diamètre d. Un petit changement de d résulte en un grand changement de n. L’équilibre des gouttes est compliqué par deux phénomènes subtils. (i) Plus la goutte est petite, plus sa pression interne est grande et plus elle a tendance à s’évaporer. (ii) Pour cette raison, initier une nouvelle goutte est forcément difficile. C’est un phénomène de nucléation qui nécessite, le plus souvent, un noyau hétérogène externe. Le problème serait déjà fort compliqué si la distribution des gouttes était uniforme. Oh la! il ne rigole pas le météorologue qui doit reprendre son calcul de cm en cm!

Le travail rapporté ici ne se limite pas à l’observation directe en couche mince. Les auteurs utilisent une méthode holographique sophistiquée pour faire l’image de toutes les gouttelettes contenues dans un volume de 8 cm de large et 1m de long. Ils analysent ainsi quantitativement ce que montre l’observation directe. Bonne nouvelle, ils découvrent alors que les gouttes, en densité homogène ou non, ont toutes à peu près le même diamètre. Ouf, le météorologue retrouve un peu de sourire.

 

MÉDECINE. A sponsored supplement by cjmri (Chinese j of magnetic resonance imaging). Advances in computational psychophysiology. Bizarre. Un cahier de 55 pages ventant l’approche chinoise du problème corps-esprit. Un curieux mélange de RMI et de médecine et philosophie chinoise.

 

8.10. 2015. Nature 526, 7572.

– 176. CLIMAT, POLITIQUE. Arjun. L’Inde dévoile son engagement pour le climat. L’Inde est le troisième plus grand émetteur de gaz à effet de serre (GES). Dernière parmi les grandes nations, elle annonce ses objectifs en prévision de la conférence de Paris COP21: Pour 2030, (i) 40% de l’électricité proviendra de sources renouvelables ou à bas carbone et (ii) la production de GES sera réduite de 33 – 35% par rapport à 2005. Toutefois, cette réduction ne sera pas absolue, ou par personne, mais par unité de PIB. Il s’agit là du grand débat entre pays développés et pays en voie de développement; pourquoi ces derniers n’auraient-ils pas le droit de suivre le chemin dont les premiers ont profité sans retenue?

Les commentaires extérieurs relèvent que cette déclaration marque un progrès substantiel par rapport à la position de totale retenue défendue jusqu’ici. Toutefois, ils notent que le programme aurait pu être plus ambitieux. Surtout, on peut douter de sa bonne application.

– S2 – S17. BEAUTÉ. Christine. Le cerveau esthète. Le buste de Nefertiti est vieux de 3300 ans et chacun, quelle que soit sa culture, trouve cette femme magnifique.

Autre chose, les fleurs sont faites (attention au raccourci évolutionniste) pour attirer les oiseaux; elles attirent autant les humains. Bizarre, la beauté transcende la culture et même l’espèce. Une analyse plus fine est rapportée ci-dessus

Nefertiti

Qu’est-ce que la beauté? Une forme d’émotion issue d’une fonctionnalité évolutive conduisant l’insecte à la fleur, l’oiseau femelle au mâle, l’homme à la femme harmonieuse pour ne citer que les plus apparentes. La neurologie tente d’y voir plus clair. Dans le cerveau, la beauté active des régions spécifiques, en particulier certaines régions du lobe frontal et le noyau accumbens que l’on dit être le générateur des sensations de plaisir. Mais s’il existe une beauté innée, la créativité individuelle, l’exercice et la de Beat Gysin. Pourtant l’étude montre que dans cette abstraction, c’est bien la même réaction physiologique que celle induite par le buste de Nefertiti qui est à l’oeuvre, chez l’artiste créateur comme chez le spectateur sensible. Pourquoi, depuis au moins la grotte Chauvet, cette immense emprise de l’art sur les sociétés humaines? J’ai mon idée. Elle remonte à Hugo qui voit l’artiste comme la lumière qui éclaire le chemin du peuple. De quel chemin s’agit-il? Celui de la transcendance. L’art oblige a sortie du chacun-pour-soi darwinien et du tribalisme étroit pour s’ouvrir vers un horizon qui nous dépasse; le petit artiste et sa petite oeuvre (voir ….) dessinent la grande société unifiée (pacifiée) par la création et le spectacle de la beauté. Peut-être y a-t-il là une part du meilleur de l’homme.

– 207 – 11. MALARIA. La malaria de 2000 à 2015. Les efforts pour le maitriser la malaria ont considérablement augmenté depuis l’an 2000. La prévalence a diminué de 40% ce qui signifie que 600 millions de cas cliniques ont été ainsi évités. Près de 70% de ce résultat est dû à l’usage de filets imprégnés d’insecticide. Comme pour Ebola, on remarque que le progrès est d’abord du à des mesures prophylactiques relativement simples. Le médicament le plus efficace reste l’Artemisinin, développement de la médecine traditionnelle chinoise (Prix Nobel de cette année). On attend toujours le vaccin ou le meilleur médicament de la grande recherche.

 

09.10.2015. Science 350, 6257.

– 148. ÉPIGÉNÉTIQUE, HOMOSEXUALITÉ. Laurée. L’épigénétique peut elle explique le puzzle de l’homosexualité. Identifier les déterminants génétiques de l’homosexualité s’avère difficile. En 1993 Dean Hamer (US) avait associé l’homosexualité avec la région Xq28 du chromosome X, mais le doute persiste et il n’a pas été possible de cerner cette région plus précisément. Il y a certainement un marqueur dans l’ADN, mais sa pénétrante est plutôt faible; le jumeau d’un homosexuel n’a que 20 à 50% de chance d’être homosexuel lui-même.

Une étude par le groupe de E. Vilain à l’UCLA apporte de l’eau au moulin de l’épigénétique. Sur la base de 37 paires de jumeaux discordants (l’un est homo, l’autre pas) ils ont recherché les paternes de méthylation qui pourraient expliquer la différence.

Quand on parle d’épigénétique, il faut toujours bien préciser ce dont il s’agit. (i) La première possibilité est que, durant le développement de la personne, dès le premier moment embryonnaire, des marqueurs épigénétiques (p.e. des méthylations) influencent la façon dont l’ADN sera mis en oeuvre dans les générations cellulaires subséquentes. C’est ainsi que se marque au cours du développement la nature des cellules spécialisées. Ainsi, une cellule nerveuse ou un hépatocyte sont ce qu’ils sont parce qu’ils ont été marqués épigénétiquement durant le développement de l’organisme. En général, il est admis que, chez les animaux (pas chez les plantes) tous les marqueurs épigénétiques sont effacés des ovules et des spermatozoïdes. Ils ne passent pas d’une génération à l’autre. Il y a table rase de l’épigénétique à la fécondation.

(ii). L’autre possibilité serait que les marqueurs épigénétiques passent d’une génération à l’autre. Il s’agirait alors d’une hérédité non mendélienne. La plupart des données rejettent cette hypothèse, mais quelques articles la soutiennent. À ma connaissance, tous sont ambigus et contestés (voir Science 343, 361 du 24.1.2014).

Dans le cas des jumeaux discordants, il faudrait admettre dans l’hypothèse (i), que le marquage épigénétique a eu lieu chez l’un, mais pas chez l’autre. Pas de problème, l’effet peut avoir lieu n’importe quand après la fécondation, y compris, comme l’aime les freudiens, par le comportement des parents après la naissance ou, plus prosaïquement, par l’effet d’un virus qui n’aura pas également infecté les deux jumeaux.

 

– 193 – 195. GLACIOLOGIE. Manu. Steven. Herman, F. (UNIL) et al. Comment érode un glacier. Pas bien compris. Le glacier avance et pousse le matériel du soc glaciaire qui se retrouve dans la rivière et dans les moraines. Faut-il imaginer que la glace est un liquide visqueux qui coule sur le fond rocheux, produisant une érosion essentiellement indépendante de la vitesse ou alors, elle se comporte comme un solide qui racle le sol comme une charrue? Dans ce dernier cas, on peut s’attendre à ce que la vitesse soit un paramètre important. L’affaire est compliquée; elle va aussi dépendre de la pression, la température, la viscosité ainsi que de la nature et la granulométrie du sol. La problématique n’est pas sans analogie avec celle des cryosections de CEMOVIS.

La présente étude porte sur le glacier Franz Josef en Nelle Zealande. Il est dit alpin parce qu’il s’appuie sur la faille dénommée alpine qui divise l’ile (?). Le travail a consisté à bien connaitre la géologie du socle glaciaire et à mesurer tout ce qui entre (la neige et la pluie) et sort. Surtout, il s’agissait de suivre précisément les mouvements de la glace, ce qui fut fait avec une précision centimétrique pendant 5 mois. Le résultat montre que l’érosion a varié considérablement durant la période d’observation (taux momentanés correspondant à 1 – 500 mm d’érosion /an), les pics de l’érosion étant liés à des épisodes de forte pluie. Quant à la relation érosion/vitesse du glacier, les auteurs montrent qu’elle suit remarquablement une loi quadratique. De ces deux observations (érosion p vitesse2, vitesse variant fortement selon les conditions) on déduit que l’érosion glaciaire a lieu presque exclusivement lorsque le glacier est en mouvement rapide. L’échauffement climatique qui augmente la pluie au détriment de la neige favorise ce mouvement néfaste pour la durabilité du glacier et la préservation de son socle. Le même résultat explique pourquoi les grands glaciers polaires ne façonnent pas les vallées comme le font les glaciers alpins. C’est que, là-bas, il fait plus froid et les glaciers avancent plus lentement. J’ai pourtant lu pas mal de choses sur des glaciers de l’arctique qui soudain se mettent à avancer à des vitesses étonnantes.

 

– 196 – 198. ENSEIGNEMENT, MATH. Berkowitz et al. Des maths à la maison aident pour l’école. Lire des histoires aux enfants fait partie de l’éducation. Derrière cet effort il y a bien sûr le désir de donner aux enfants une belle compétence langagière. Curieusement, rares sont les parents qui pensent à profiter du conte pour aller au lit pour améliorer les compétences scientifiques et mathématiques de leurs jeunes enfants. Dans l’étude rapportée ici, un groupe de psychologues de Chicago, étudie cette forme d’enseignement et analyse son efficacité, qui est grande. Un point intéressant en ressort. Si la compétence verbale et le plaisir du jeux langagier est largement distribuée, rare sont les parents qui se sentent à l’aise avec les concepts scientifiques. La grande majorité est « math-anxieuses » et le fait savoir à leurs enfants. La méthode étudiée ici consiste en une application (Bedtime Math; 1fr sur App store) qui propose pour chaque jour, une forme de petit conte sympathique à fondement scientifique ou mathématique que le parent présente à l’enfant à l’heure d’aller dormir. L’effet est comparé avec une application semblable, mais classiquement destinée à stimuler la compétence verbale. Le résultat est très favorable, en particulier parce qu’il brise le feedback négatif des parents « math-anxieuses ».

Se pourrait-il que la peine que la plupart de mes élèves du Centre MNA ont avec les concepts mathématiques les plus élémentaires soit la conséquence de l’a-mathémacicité de leur milieu familial, plus grande sans doute que dans les familles suisses typiques?

 

15.10.2015. Nature 526, 7573

– 294, 385 – 390. NEUROBIOLOGIE, SEXE, COMPORTEMENT. Les biologistes. Sammut et al. (Londres et NY.) Deux petits neurones pour faire un mâle. Il y a près de 40 ans, Sydney Brenner s’est dit qu’il était temps d’aller au-delà de la bactérie E. coli pour comprendre la biologie. Il proposait que l’étude du système nerveux de Caenorhabditis elegans, pourait éclairer « l’esprit du ver ».
Chez cette bestiole de moins d’un mm de long, la plupart des individus sont hermaphrodites, mais ils peuvent aussi être fécondés par les rares mâles de la population (<1%). Le diagramme des connexions neuronales des individus hermaphrodites a été établi il y a plus de 25 ans. Le même travail a été publié pour les 383 neurones de ver mâle en 2012. Et voilà que 3 ans plus tard, on s’aperçoit que le travail de 2012n’avait pas vu 2 petits neurones situés dans la tête du mâle. Il n’est pas étonnant qu’ils soient passés inaperçus; d’une part, ils sont petits; de l’autre, ils sont dérivés de cellules gliales (les cellules nourricières des neurones) et non des cellules épithéliales comme tous les neurones normaux. La fonction de ces neurones fait leur intérêt. Ce sont eux qui font que le mâle apprend à reconnaitre l’hermaphrodite et le fait choisir de la rejoindre plutôt que de se nourrir. Cette découverte offre ainsi un joli modèle de dimorphisme sexuel relativement simple, définissant une capacité d’apprentissage et un comportement spécifique. Dans sa tombe, Sydney Brenner doit se réjouir.,

 

– 335 – 370. MÉDECINE DE PRÉCISION OU PERSONNALISÉE. Un gros dossier. Le point sur la situation et les promesses de la médecine personnalisée. J’en retiens deux aspects. (i) Un article fait le point sur ce que l’on peut voir et faire dans le cerveau. D’un côté il y a l’image obtenue par résonnance magnétique fonctionnelle (fMRI). De l’autre, il y a ce à quoi on pense. Entre les deux, une grosse statistique. Le passage du premier au second semble être déjà bien avancé.

Assez pour stimuler la recherche sur les maladies psychiques et aussi pour interpeler les tribunaux. La stimulation extra ou intracrânienne (électrique, magnétique ou lumineuse) va plus loin que l’interprétation, elle ouvre le domaine de l’action qui deviendra de plus en plus localisée et spécifique. On rêve d’optogénomique neurologique (agir au niveau de la cellule par un petit coup de lumière). Pour le moment, il s’agit d’essayer d’intervenir dans des maladies neurologiques (épilepsie, dépression). Les offres commerciales pour le grand public (eg. aide à l’apprentissage) sont probablement ineffectives, éventuellement dangereuses, en tous cas prématurées.

(ii) Glybera est la première thérapie génique reconnue en Europe. Elle concerne une maladie très rare – et très douloureuse – du métabolisme des lipides. Elle coute 1 million par cas! Ça ne va pas.

 

27 – 28, 421 – 425. CLIMAT, ÉCHAUFFEMENT, NIVEAU DES OCÉANS. Jean-Cl. Keller. L’effet multimillénaire de l’échauffement climatique de l’Antarctique. L’élévation moyenne de température est estimée entre 0.3 – 4.8° à la fin du siècle. Elle pourrait atteindre 8 – 10° en 2300. Pour le moment la contribution de la fonte de l’Antarctique à l’élévation du niveau des océans est négligeable, car même si on observe d’énormes épisodes de dislocation de la plateforme glacière (la couche de glace entourant le continent; elle est importante pour retenir le flux des glaciers), le principe d’Archimède veut que la fonte de cette glace flottante n’ait aucun effet sur le niveau de l’eau.

Le présent article modélise ce qui va se passer durant les prochains millénaires. Il est montré que l’essentiel de la plateforme glacière va disparaitre, sauf si les GES sont limités de la manière la plus sévère. L’élévation finale de température en décidera, mais le niveau de la mer continuera de monter durant des millénaires, même bien après que la température des océans se soit stabilisée. Va-t-on vers 3m ou vers 9 m de montée? Les prochaines décennies seront décisives.

 

– 333 – 4, 426 – 429. PSYCHOLOGIE, ÉCONOMIE, POLITIQUE. C’est la visibilité des inégalités plutôt que les différences elles-mêmes qui perturbe l’équilibre social.

 

16.10.15. Science 350, 6258

– 257. VIOLENCE, FEMMES Lucy. Éditorial. N.E. Adler et P.A.Johnson. Violence et santé des femmes. L’association des universités américaines publie une étude faite dans 27 universités selon laquelle un quart des étudiantes ont subi des assauts sexuels durant leurs études. Évidemment, il faudrait savoir ce que l’on entend par « assaut » car on raconte que les Américains ont quelquefois d’étranges critères. Toutefois ce qui semble substantiel est que le risque de maladies cardiaques, d’asthme et d’alcoolisme serait augmenté de 70% chez les femmes abusées. On parle beaucoup des abus en Inde (par exemple), faut-il s’y attaquer beaucoup plus sévèrement chez nous?

– 263 – 4. HUMAIN BRAIN PROJECT. Gilles. Kupferschmidt. Blue Brain Procject. L’article tant attendu pour donner un fondement aux élucubrations du Humain Brain Project est publié (Markram, H. et al. Reconstructioon and simulaton of neocortical microcircuitery. Cell, 2015. 163(2): p. 356 – 492). Simulation de 30’000 neurones connectés par 40 millions de synapses, un bout du cerveau de souris gros comme un grain de sable. Qu’en disent les spécialistes? Réponse dans le titre: « Le cerveau virtuel de rat ne réussit pas à impressionner ses critiques ».

– 278 – 9, 291. STRUCTURE MOLÉCULAIRE, ÉPIGÉNÉTIQUE. Laurée. Jiao & Liu. Les auteurs ont remarquablement réussi à résoudre par diffraction des rayons X la structure d’un « polycomb repressive complex » dont la fonction est de méthyler l’histone H3 avec pour effet le contrôle de la chromatine et les gènes «silençage». Il s’agit d’un des acteurs principaux de l’épigénétique. Les cancérologues y sont fort intéressés. La carte à 2.5Å révèle le mécanisme d’action ouvrant ainsi la voie à la recherche de drogue agissant sur la fonction et sur ses subtiles variations impliquant de nombreux cofacteurs.

La cryo-me avait fourni une carte d’un complexe similaire, mais sans atteindre la résolution atomique. Un point pour la DX.

 

19.10.2015. PAYSAGE, GÉOLOGIE. Les usagers du chalet. Spectaculaire! Au Nel de la Niva, en dessus d’Évolène, face au chalet, 2000 m3 de falaise s’effondrent sous la surveillance des caméras. Est-ce l’effet de l’échauffement climatique et de la fonte du permafrost? 2700m, un peu bas me semble-t-il, même en exposition plein nord. http://www.naturalsciences.ch/service/news/50965-evolene-2000-kubikmeter-fels-donnern-ins-tal

Bravo les géologues!

 

22.10.15. Nature 526, 7574.

– 481 RECHERCHE, ÉTHIQUE. Brève. Les éthiciens. Les progrès extraordinaires de l’ingénieuring génétique de ces dernières années suscitent deux types de réactions opposées. Pour les uns, ils appellent à la prudence « doucement, réfléchir d’abord ». Pour les autres, puisque la technique ouvre la voie, il faut y aller. Que l’éthique « get out of the way ».

 

– 484 – 5. RECHERCHE, BUSINESS. E.C.Hayden. Les géants technologiques font les yeux doux à l’élite scientifique. Nous avons rapporté plus haut que 23andMe, la firme popularisant l’analyse génétique individuelle, vendait cher le génome de parkinsoniens à une firme de recherche médicale. Depuis, on a appris qu’elle préfère prendre en main ces recherches elle-même. Le présent article montre qu’elle n’est pas la seule. Google par exemple s’étend aussi dans le médical. Ils n’ont pas la compétence; par contre, ils ont l’argent, 1 Mia par an semble-t-il. Et que faire de cet argent? L’offrir à l’élite scientifique pour qu’elle réalise les projets de Google. L’article ne donne pas les détails de la construction, mais on apprend que: « ils s’adressent aux académiciens d’une manière que ne peuvent offrir les compagnies de biotechnologies » ou que « la métrique de la recherche académique est différente: pour cette nouvelle recherche, il ne s’agit pas de publier, mais « que ça marche! » Qu’en dire?
(i) Dans une récente réflexion déposée sur mon blog, je me demandais si les firmes genre Google dont nous sommes la matière commerciale sont en train de se gonfler en une immense bulle financière qui ne manquera pas de crever bientôt. Je concluais plutôt par la négative parce que nous sommes une bonne base pour faire du fric. Le présent article prouve que ces firmes ont peu d’inhibition et que la valorisation de nos données individuelles peut très simplement prendre les chemin traditionnel, la santé par exemple.

(ii) Dans Nature du 17 sept. nous rapportions l’apparente impossibilité d’empêcher les conflits d’intérêts de pourrir des pans entiers de la science. Il était conclu que: « le problème ne se résoudra pas tant que les universités resteront dépendantes du financement de l’industrie. » Boof, on est mal parti!

 

– 490 – 491. MÉTÉOROLOGIE, CLIMAT, EL-NINO. J.-Cl. Keller. Un El-Nino monstrueux s’annonce. L’oscillation pacifique sud-est El-Nino (ENSO) est une configuration météorologique récurrente, mais irrégulière (figure).

El Nino

Repérée déjà au 19e siècle, étudiée durant l’année géophysique internationale de 1957 – 8, elle est suivie depuis par une flottille de bouées plus ou moins bien entretenues. Ses épisodes marquants corrèlent systématiquement avec un dérèglement météorologique mondial. Le dernier cas majeur, en 1997-8, fut suivi de perturbations qui tuèrent par milliers et privèrent 250 millions (!!) de personnes de leurs abris. Un nouvel épisode s’annonce. On avait cru un moment qu’il prendrait effet l’an passé, mais il s’est dégonflé à l’automne, apparemment pour partir de plus belle cette année. Actuellement, toutes les données correspondent à une progression vers un ENSO record pour cet hiver. Les météorologues mettent en garde contre un temps sauvage et fou durant les prochains mois.

 

– 492 – 496. SOCIÉTÉ. Lucy. H. Pearson. Le laboratoire du temps et de son usage. La première phrase d’une rencontre est bien souvent « Je suis occupé ». Oui, mais comment et pourquoi? Le Centre de recherche sur l’usage du temps à l’Université d’Oxford travaille sur cette question depuis 50 ans et a accumulé les données correspondant à près d’un million de personnes . jours. En 50 ans, le changement dans la population anglaise est remarquable. Toutefois, le temps total de travail (professionnel et privé) n’a guère varié et, en gros, les gens ne sont pas plus occupés aujourd’hui qu’autrefois. Pour comprendre ce qui se passe, la sociologie a besoin de bien meilleures données.

Ayant convaincu de l’importance de ces données et des possibilités des nouvelles méthodes d’acquisition et de traitement, le Centre se prépare à un développement majeur. Il faut dire qu’il y a besoin. Comme Lucy le sait, le gentil questionnaire par lequel les volontaires sont censés indiquer tout ce qu’ils font par tranches de 10′ a largement montré ses limites; les gens ne se souviennent pas, ou alors de travers; leur réalité est biaisée par leur intention. Les nouvelles méthodes s’appuieront sur l’enregistrement instantané appelé par portable, soutenu par une caméra embarquée.

-499 – 501. HISTOIRE, ÉCRITURE, INDUS. Arjun, Johannes. Vers le déchiffrement de l’écriture de l’Indus. La civilisation de l’Indus qui couvrait une partie du nord de l’Inde, le Pakistan et une partie de l’Afghanistan fleurissaient de 2600 à 1900 AC. Les nationalistes de l’Inde voudraient qu’elle soit à l’origine du Sanscrit et de la civilisation hindoue. Selon le présent article, cela est peu probable, mais il faut dire que l’on n’y comprend pas grand-chose; on ne sait rien du langage de ces gens, il n’existe pas de Pierre de Rosette ni de noms de personnages auxquels on pourrait s’accrocher. Les spécialistes ne s’entendent même pas sur le nombre des caractères: 62 à près de 1000. Il n’y a pas vraiment de textes, mais seulement des inscriptions de quelques caractères (en moyenne 5, maximum 26). Plutôt que proto-Sanscrit, la tendance actuelle favorise une « écriture » proto-Darvidienne formée d’un nombre restreint de syllabes avec beaucoup de signes « logographiques » représentants des mots et des concepts. Pour des progrès décisifs, il faut espérer de nouvelles découvertes archéologiques. Il y en a certainement beaucoup qui attendent, mais la situation politique et idéologique n’est pas favorable.

 

23.10.15 Science 350, 6259

CRYO-ME. Au moins 3 gros articles dans ce no, dont deux gros sur l’inflammasome.

 

– 364 – 5. SOCIÉTÉ, CONDITIONS DE TRAVAIL, VIOLENCE, FEMMES. Un astronome fameux de Berkley est accusé de harassement sexuel. Il est proprement mis au pilori et se fait vider de toutes ses fonctions. Ici, un interview de la personne qui a mené la lutte pour soutenir les personnes harassées. Je suis mal à l’aise. La photo du harceleur dans tous les journaux scientifique, lui qui ne dit rien, les défenseurs de ses accusateurs très visibles, où en est-on vraiment? J’en retire l’impression d’une exécution extrajudiciaire. Vivement des procédures fermes et claires, débouchant sur la publication du jugement. Pour une grande part, c’est parce que ces procédures n’existent pas où ne sont pas utilisées que peut se développer combat extrajudiciaire problématique.

Triste affaire peut-être analogue: le petit magouilleur scientifique US,condamné légèrement par son université, mais attaqué ensuite pour détournement de l’argent de l’État par un parlementaire antiscience. Bouc émissaire d’un autre combat, l’apprenti chercheur se retrouve condamné à plusieurs années de prison.
C’est à la racine qu’il faut renforcer l’action: qu’il soit clair et reconnu que la discrimination, le harcèlement et la tricherie ne soient pas tolérables et qu’ils seront traités comme tels, selon les règles et les procédures.

 

– 372 – 375. MÉDECINE, VISION, NEUROBIOLOGIE. Arjun. La guérison d’aveugles en Inde. Il y a beaucoup d’aveugles de naissance qui auraient pu être soignés en Inde. Dans certains cas, il est possible d’intervenir même à l’âge adulte. Pourtant, en particulier sur la base de fameuses études sur le chat (Wiesel et Hubel, Pris Nobel 1981) il était admis que ceux qui n’ont pas pu former leur vision au début de la vie ne la rattraperons jamais. Ils resteront définitivement aveugles et personne n’essayait même de faire mieux. C’est faux! Le projet Prakash conduit depuis 2004 par Pawan Sinha le prouve de manière éclatante. Ainsi, les adolescents ou jeunes adultes aveugles opérés de la cataracte retrouvent une vision fonctionnelle dès les premiers mois. Elle devient presque normale après 2 ou 3 ans, La personne peut se comporter normalement quoi que l’acuité visuelle ne soit pas 100%. Ainsi, la lecture se limitera aux gros caractères.

Le projet Prakash ne fait pas que soigner; il contribue à comprendre la neurobiologie du cerveau. Ainsi, le fait que les personnes ayant récemment retrouvé la vision tombent dans le piège de certaines illusions visuelles implique que l’erreur est préprogrammée; pas l’erreur, mais la capacité de tenir compte de la distance sur la base d’indices sommaires concernant la perspective.

Illusion visuelle 2015-11-15 à 12.51.45

Est-ce encore une conséquence du dogme du « blank slate » (le cerveau nait vide) qu’il a fallu si longtemps pour corriger la tragique extrapolation entre le chat de laboratoire et l’homme dans la vie?

 

 

29.10.15 Nature 526, 7575.

– 609 – 10. 615 ÉCONOMIE, FIANCE, BIG DATA. Gilles, les éthiciens. 1 à 0 pour la FDA contre 23andMe, voila en tous cas ce que prétend l’éditorial de Nature.
Il y a deux ans, la FDA (Federal Drug Administration) US avait interdit à 23andMe de communiquer aux clients l’interprétation médicale comprenant, entre autres, de vagues indications sur des maladies ou des traits usuels sur la base du séquençage génétique (par exemple: 14% d’augmentation de la probabilité d’untel cancer, 12% de moins pour unetelle paranoïa). L’organe de contrôle US voulait que ces « médical devices » soient homologuées comme tel, et de ce fait passe par un médecin. Sur ce, 23andMe  avaient installé des bureaux en Angleterre. Aujourd’hui, on apprend que la firme s’est donnée de la peine pour trouver une solution de compromis. Pour 199$ plutôt que 99$ (ce qui reste 10x moins cher que n’importe quelle analyse dans le cadre médical classique), elle est maintenant en droit de communiquer le diagnostic de 36 maladies génétiques bien définies – et rares – qui ont une forte probabilité d’être passées à la descendance. Les vagues risques sont éliminés; restent néanmoins les évaluations ethniques, très recherchées par ceux qui veulent étendre leur généalogie. Dans son éditorial, Nature présente cela comme un beau succès de la FDA et du contrôle de l’État sur les firmes.

Je crois que Nature se met le doigt dans l’oeil. J’aime bien les métaphores. En voici une. C’est bien connu, la pêche écume les océans et va faire disparaitre les poissons. Heureusement, la SPA a obtenu un accord selon lequel, dorénavant, les hameçons seront conçus de manière à ne pas occasionner de blessures cruelles. Évidemment, pour arriver à cet accord, il a fallu s’assurer que les nouveaux hameçons ne seront pas moins efficaces. C’est que, comme on l’a vu (https://www.dubochet.ch/jacques/), le produit que vend 23andMe n’est pas le test génétique personnel, mais les données exploitables pour le Big Buziness du Big Data. La FDA humanise l’hameçon. Le produit reste sauvage.

 

– 618 – 9. CLIMAT, GLACIER. Jean-Claude K. Le film La glace et l’air passe dans nos cinémas (http://education.laglaceetleciel.com/?gclid=CJm2j4KdkMkCFacfwwodmWkDTg). Il s’agit de l’histoire de Claude Lorius, un glaciologue français né en 1932. Il fut « instrumental » dans la découverte que la glace de l’Antarctique révèle l’histoire de la température de la terre et la composition de l’atmosphère. Il est ainsi un des pionniers de la science du changement climatique. Le film retrace le combat pour forer de plus en plus profond ces glaciers inhospitaliers. Actuellement, les forages au Groenland et en Antarctique portent sur 800’000 ans. Au sud, il pourrait exister des couches profondes à plus de 1’200’000 ans. Elles seraient particulièrement intéressantes, car elles pourraient éclairer une période durant laquelle la période longue de la variation de température à passé de 40’000 à 100’000 ans. C’est avec cette dernière valeur et le climat relativement stable qui lui est associé que s’est développé l’homme moderne que nous connaissons. La situation du moment est différente; nous sommes à l’ère de l’Anthropocène.
Le présent article rapporte les efforts de trois groupes ± indépendants visant à mettre au point des méthodes de forage beaucoup plus rapides. Les Américains (RAID: Rapid Access Ice Drill) et les Anglais (RAID: Rapid Access Isotope Drill) – on dit que les scientifiques devraient veiller à être créatifs dans leurs narratifs – ont leurs projets. Les Français de Grenoble travaillent à SUBGLACIOR. Les Suisses de Berne (Jakob Schwander) ont une grande expérience au Groenland; leur nouveau système prévoit un trou de seulement 3cm de diamètre (contre plutôt 10cm habituellement), mais capables de descendre à 3km en quelques jours.

Évidemment ce n’est pas seulement la glace qui intéresse, mais ce que l’on trouvera dessous. Les microbiologistes salivent.

 

– 649 – 50, 682 – 686. – 14 – 15. PHYSIQUE, CRYPTOGRAPHIE, ENLACEMENT. Gilles, François R. Preuve définitif de la violation de l’inégalité de Bell. (reprise de l’annonce préliminaire dans Nature du 3.9.15) La notion d’enlacement en physique quantique est étrange. On agit sur une particule ici et immédiatement, là-bas, sa partenaire en tire les conséquences. Explication de la logique traditionnelle: (i) l’accord entre les deux particules était inscrit en variable cachée à l’origine de l’enlacement. Non, dit la physique quantique (ii) c’est au moment de l’action sur la première que se passe aussi l’effet sur la deuxième; l’enlacement est un phénomène non localisé. Difficile à avaler, cette apparente action instantanée à grande distance. Peut-on y croire ou ne sont-ce que des mots?

En 1960, John Bell démontre que, sous certaines conditions, l’explication (i) est exclue dans un système enlacé. Depuis 1980  plusieurs expériences ont réalisé les fameuses conditions de l’inégalité de Bell. Chaque fois,  l’interprétation quantique a été confirmée, mais chaque fois, certains y ont trouvé à redire; un coin sombre quelque part laissait place à l’incertitude.

Apparemment, l’expérience rigoureuse vient d’être réalisée par le groupe de Benson à Delft (Hensen et al, 682- 86.) A. Zeilinger (le pape autrichien du domaine) affirme: “C’est prouvé, la cryptographie quantique peut-être absolument sure”. Toutefois, dans la présentation de l’article (649 – 59) Wiseman, tout en louant le clou ajouté au cercueil des variables cachées, note que certaines failles, quasiment métaphysiques, restent encore ouvertes. Je ne peux pas juger, je me méfie de la métaphysique, OK pour la violation de l »inégalité de Bell, à quand la prochaine preuve définitive?

François, es-tu d’accord et veux-tu m’expliquer?

 

 

– 647 – 8, 695 – 99. ANTHROPOLOGIE. Liu et al. On raconte traditionnellement qu’un groupe d’H. sapiens a quitté l’Afrique il y a quelques 40’000 ans puis, grands voyageurs, ils ont peuplé le reste du monde. Ici est rapportée la découverte dans la caverne Fuyan, près de Daoxian, en Chine du sud de 47 dents qui appartiennent indubitablement à l’espèce H. sapiens mais datent d’au moins 80’000 ans. Il semble donc que des humains morphologiquement modernes aient existé en Asie 30 à 70’000 ans avant que leurs semblables n’occupent l’Europe. Peut-être que les froidures européennes étaient dissuasives, ou alors que les néandertaliens qui habitaient nos régions étaient peu hospitaliers.

old H. sapiens China_Nature 29.10.15

Cette découverte fait résonner la mise à jour de H. naledi dans une invraisemblable caverne d’Afrique du Sud où a été découvert un extraordinaire ossuaire d’une espèce Homo inconnue jusqu’ici (voir: National Geography, oct. 2015, 30 – 57.) Son cerveau n’était que la moitié du nôtre et sa main était plutôt de type simiesque. Par contre son pied ressemblait étrangement à ceux de l’homme moderne; surtout, H. naledi prenait étrangement soin de ses morts. Le problème est qu’aucune date n’est disponible. Si H. naledi est vieux de 3 ou 4 millions d’années, il pourrait, mieux que Lucy, représenter le tronc dont nous sommes issus. S’il est relativement moderne, il indiquerait que l’arbre Homo a fleuri longtemps sur plusieurs branches. Il serait très dommage que l’affaire du H. naledi (qui a plusieurs autres aspects sympathiques) ne soit qu’un énorme canular, mais l’étrangeté du lieu, des conditions et de la nature de la découverte sèment le doute chez celui qui n’y connait rien. Il sera sans doute levé lorsque quelques os seront sacrifiés pour analyse chimique, isotopique et radioactive.
Décidément, les éternels efforts visant à décrire l’histoire humaine de manière simple et définitive peinent. Une phrase de Gide propose une meilleure approche:  » Il faut suivre ceux qui cherchent la vérité et fuir ceux qui affirment l’avoir trouvée ». (Selon André Gide cité par S. Firestein dans Nature 526, 639.)

 

CRYO-ME: rien dans ce numéro. Une misère.

 

30.10.15. Science 350, 6260

– 487. VIOLENCE, FEMMES Lucy. B. Wood. Editorial. Autre analyse de l’affaire du célèbre professeur harceleur de Berkley. Titre: Tolérance zéro. Point. Conclusion: Les mâles alpha sont le problème. Ils doivent aussi être partis de la solution.

 

– 489. CLIMAT, EL-NINO. Le El-Nino record du moment promettait des effets records. Il n’a pas fallu attendre. L’ouragan Patricia s’est rapidement renforcé pour devenir le plus fort répertorié jusqu’ici (degré 5, avec des vents de 350 km/h) juste avant d’arriver à terre le 23 oct, heureusement, dans une région peu peuplée du Mexique. Il s’est ensuite rapidement dégonflé. Ce n’est sans doute pas la fin du problème El-Nino 2015.

 

– 513, 545 – 549. PSYCHOLOGIE, SOCIOLOGIE. REPRODUCTUBILITÉ. Gilles, Alain K. D. Herbst & A. Mas (US et D). Les résultats d’expériences de psychologie en laboratoire correspondent à la réalité. Il est vrai qu’il faut se demander si les expériences de psychologie faites en laboratoire dans des conditions imitant la nature de manière forcément artificielle sont une représentation convenable de la réalité du terrain. Il s’agit ici d’une méta analyse de l’effet « débordement » par lequel la productivité du groupe influence la productivité individuelle. Le problème est évidemment important dans n’importe quel travail en groupe, fabrique, administration, école. Il a été abondamment étudié sur le terrai et en laboratoire. Eh bien, malgré tous les manques et approximations de l’expérience en laboratoire, les résultats concordent avec les mesures de terrain, non seulement en valeur absolue, mais aussi dans la variance mesurée. Voilà qui devrait encourager les psychologues quantitatifs.

Reste l’éternelle question: cet article est-il valable? Il est essentiel que la science apporte une réponse générale à cette question. Elle a quelque analogie avec la question du dopage en sport et, dans ce domaine la recherche d’une solution à une longue histoire et une longue expérience. En particulier, les compétiteurs sont testés au hasard sur une large base et les vainqueurs le sont tous systématiquement (en principe du moins.) Mais en science, le problème est différent. En science, c’est le résultat qui est essentiel, pas la façon de l’obtenir. On ne va pas demander au sportif de prouver qu’il n’est pas dopé en lui faisant répéter son exploit.
J’imagine donc, un organisme de contrôle de la reproductibilité des résultats, mais pas de contrôle de l’intégrité des chercheurs. Cet organisme fonctionnerait à deux niveaux. D’une part, il serait équipé de moyens expérimentaux dans un peu tous les domaines, de manière à tester, au hasard, la reproductibilité d’une certaine proportion de tous les résultats scientifiques publiés. Le but serait d’imprégner la science et les scientifiques de l’exigence de reproductivité.

De l’autre, il serait formé de comités d’experts de tous les domaines. Ceux-ci seraient chargés d’identifier rapidement les découvertes qu’il est important de certifier et de faire en sorte qu’elles soient répliquées indépendamment. Au vu de la spécificité des expériences et l’urgence d’arriver à une conclusion, seuls les laboratoires déjà impliqués peuvent entrer en question.

 

– 425,530 – 533. BATTERIE, ÉNERGIE, CLIMAT. T. Liu, Cambridge. La batterie Li-Air, bientôt autant d’énergie par kg que dans de la benzine? (pas trop bien compris) La batterie de tous nos portables est de type Li-ion dans lesquelles le matériel pour l’oxydation/réduction est inclus dans la batterie et les ions se déplacent dans un électrolyte liquide, généralement sous pression. La batterie Li-Air n’a pas d’électrolyte liquide (d’où sa grande sécurité) et l’oxydation est apportée par l’oxygène de l’air ambiant, relâché lors de la charge de la batterie. Ainsi, la capacité de la batterie est d’un ordre de grandeur plus élevée que les batteries à circuit fermé. Elle devrait atteindre 12 kWh/kg, ce qui équivaut à la densité d’énergie de la benzine. Jusqu’ici, la réalisation pratique des batteries Li-air se heurtait à plusieurs difficultés techniques, par exemple l’encrassement de la cathode poreuse par des réactions parasites. Selon le présent article, l’équipe de Cambridge UK aurait résolu tous les problèmes grâce à une électrode en graphène à remarquable porosité et, alors que l’eau est traditionnellement le poison des batteries non aqueuses, celle-ci participe ici à la réaction. La conclusion de la conclusion jette toutefois un froid sur le lecteur non préparé: « ce travail peut inspirer des voies pour éliminer d’autres composés contaminants qui surviennent dans les conditions d’usage réelles ». À suivre donc.