Les scientifiques sont bornés, Mr Tout-le-monde l’est plus encore, mais il est multiple. À tous, leur responsabilité.

Balibar (Balibar, 2015), un excellent bouquin.

Global, et équilibré, il est pour moi ce qu’il y a de mieux comme base concise de réflexion sur le sujet de l’échauffement climatique. Une surprise toutefois, contrairement à toute la logique du bouquin, l’auteur est pronucléaire. C’est que M. Balibar est un homme de ce milieu.

Situation semblable avec les scientifiques de Gene drive[1]. Ils se donnent de la peine pour faire face au problème éthique et de sécurité que pose leur nouvelle technique. Ils en parlent et proposent le débat. Mais ils disent aussi que cette position ouverte est le seul moyen d’éviter que les politiciens et les mouvements publics leur prennent le contrôle de leur recherche.

Moralité, nous sommes biaisés par ce que nous sommes. Notre patrie est la meilleure.

Cela est vrai pour les scientifiques en général. Bien sûr, ils connaissent leur sujet mieux que personnes -en fait, ils sont les seuls à connaitre leur sujet -, mais ils en voient la beauté plus que les problèmes, surtout ceux qui pourraient interférer avec leur cher sujet.

Voilà pour la science.

Et puis il y a l’autre partenaire du couple : la société.

Qui peut corriger le biais scientifique. Qui, dans le couple science/société peut-être l’avocat de la société ?
– le peuple en votation populaire ? Aïe !
– la société civile ? Qui est-elle ? Le WWF ? Aïe !
– la politique ? Aïe !
– l’économie? Aïe !
– etc.

 

Avec 74 années d’exercice de vie, je constate que la représentation du monde que nous nous faisons, nous, les êtres humains, est étonnamment étroite. C’est fou ce que nous sommes bornés. Alors, même si la science est le domaine des scientifiques et si, parmi les humains, ceux-ci devaient avoir un avantage méthodologique, leur monde est quand même étroit. Dans le couple science/société, ils sont biaisés en faveur de la science. Il est dangereux de leur laisser la bride sur le cou.

Quant aux avocats de la société mentionnés ci-dessus, je les vois chacun pire encore.

 

Alors, on fait quoi ?

Ma réponse qui n’en est pas une est dans la ligne de P. Rosanvallon (Rosanvallon, 2011) : il nous faut amplifier la démocratie participative à tous les niveaux.

Le niveau dont j’espère le plus est celui des scientifiques eux-mêmes pour peu qu’ils portent activement leur propre responsabilité. Il faut les y pousser.

 

Voir sur mon blog les rapports récents :

– Nature 15.12,16. 326. Brevet de CRISPR/Cas9

– Science 16.09.16, 1211.

– Nature, 9.6.16, 153.

 

 

Balibar, S. (2015). Climat: y voir clair pour agir. Paris: Le Pommier.

Rosanvallon, P. (2011). La société des égaux (Vol. 1). Paris: Seuil.

[1] Gene drive est une procédure issue de la récente révolution biotechnologique induite par CRISPR/Cas9. Gene drive est spécial par le fait que, une fois l’ogm lancée, il n’est en principe plus possible de l’arrêté jusqu’au remplacement complet de l’espèce dont il est dérivé avec les conséquences écologiques que l’on imagine (un peu) et les possibilités de catastrophes par accident ou par malveillance que l’on n’ose pas imaginer.