Urgence santé.

Un réflexion à partager avec les Engagés pour la santé.

Le 5 mars, à Lausanne, Éric Lainey conduisait le colloque des Médecins en faveur de l’environnement (AefU). La soirée est marquée par la belle présentation de la Prof. Sonia Seneviratne, ETH Zürich / EPFZ, auteure principale du rapport IPCC SR15. Une belle leçon de science solide, nécessaire et sans grandiloquence. Lors de la remarquable discussion qui a poursuivi, une prise de position m’a particulièrement frappé. Le Dr Vincent Mignerot s’inquiétait de l’importance que prennent les « médecines » alternatives de tous bords. Il imaginait un futur dans lequel ce marasme idéologique s’en vienne à étouffer la médecine scientifique basée sur l’évidence.
Oui, je m’inquiète avec lui, beaucoup. Homéopathie (je m’y intéresse depuis longtemps), acupuncture, médecine ayurvédique, bioénergies, énergisation de l’eau (c’est mon rayon), et aussi, pour être à la mode, l’horreur des ondes électromagnétique qui nous rendent tous malades. Nous nageons dans une mélasse de fake sciences. Pourtant, l’homéopathie ne fait de mal à personne, l’énergie vitale de l’eau est très amusante, la 5G et la fuite technologique en avant, tant mieux si elle est un peu bloquée par la révolte populaire. Pourquoi s’en inquiéter ?
Parce que nous croyons que, pour progresser, pour que le monde se développe harmonieusement, il faut être raisonnable ; il faut accepter que la nature soit notre seul maître. Nous ne sommes pas assez intelligents pour inventer ses lois dans nos petites têtes. Les élucubrations d’esprits farfelus, même s’ils récoltent d’étonnants – et de détonants – succès populistes, sont néfastes et dangereuses.
Pourtant, je ne vais pas entrer en campagne contre les médecines alternatives, ni contre les douteuses croyances à propos du méfait des ondes. Il faut choisir ses combats. Les miens se rapportent à la convivialité, à l’éducation pour tous, à notre climat qu’il faut sauver et la défense d’une médecine humaniste.
Défense d’une médecine humaniste ! C’est bien de cela qu’il s’agit ici, chez les Engagés pour la santé. Nous sommes révoltés de voir la médecine squattée par la course aux profits portée par le trio des assureurs et des cliniques privées ainsi que par les lobbys des spécialistes. Vous connaissez la chose bien mieux que moi, mais à chacune de nos séances je découvre une nouvelle page – le plus souvent surprenante – de cette dérive. Le signe fondamental qui ne trompe pas, c’est la croissance exponentielle des coûts. Chaque automne, on nous explique que la médecine devient plus chère. On ne nous dit pas qu’elle augmente de x milliards, on parle toujours en %. Une fois un peu plus, une fois un peu moins, l’exponentielle va bien, elle continue. Comme nous le savons, ça ne va pas ! L’exponentielle n’a pas d’avenir. Jamais ! On peut la traîner encore quelque temps, mais chaque année qui passe rendra l’adaptation vers une médecine viable un peu plus difficile ou l’écrasement conte le mur un peu plus dur.
On en est là. On parle beaucoup d’urgence climatique. La ville de Bâle l’a déclarée le 20 février (71 voix pour, 11 voix contre, bravo !). L’exemple porte, Lausanne, Aubonne, etc. suivent. C’est bien. Mais qu’attend-on pour déclarer l’urgence médicale ? À mon sens, elle est presque aussi importante si nous vous voulons sauver les valeurs qui font que notre monde mérite d’être défendu. Le chaos viendra peut-être du dérèglement climatique. Une médecine à deux vitesses, épouvantablement chère pour les plus riches, peut-être même transmédicalisé, mais inaccessible pour tous les autres, y contribuera peut-être tout autant. Elle fera place libre aux gilets jaunes de la médecine.
Alors on fait quoi ? Évidemment, je n’ai pas la recette, mais je lance cette simple remarque à la réflexion de notre groupe.
Revenons à l’homéopathie contre laquelle je ne lutterai pas. Pourquoi a-t-elle tant de succès ? Pourquoi même tant de médecins s’y adonnent-ils ? Une raison saute aux yeux. La première consultation homéopathique dure une heure peut-être. Une heure de question. Comment vous sentez-vous, où avez-vous mal, la tête, plutôt à gauche ou plutôt à droite ? Ah, je vous ai entendu, je vois ! Mon expérience de Prix-Nobeliste a plein d’aspects intéressants. Que croyez-vous qu’il se passe quand une personne que je rencontre apprend la nature de son partenaire ? On pourrait imaginer qu’il aimerait savoir en quoi celui-ci est spécial, quelle impression ça fait d’être reçu par le Roi, combien ça rapporte… ? Rien du tout, il parle ! Il raconte sa vie, il veut se faire écouter.
Alors, ne nous étonnons pas du succès de l’homéopathie et comprenons qu’elle répond à un vrai besoin que la médecine traditionnelle néglige de plus en plus. J’ai cru comprendre que, récemment, la taxation tarmed des moments d’écoute a été plus sévèrement cadrée et revue à la baisse. Sans surprise, le cabinet de mon vieux médecin de famille est repris par un médecin homéopathe.
Allez, on se bouge ! C’est urgent ! Viiiite ! Redonnons sa place prépondérante à l’écoute. C’est peut-être la meilleure voie pour que notre médecine redevienne humaniste. La mélasse homéopathique s’écoulera alors d’elle-même.

Famille C. Porqueddu, Pully.