Archives mensuelles : mars 2015

Science actualité, mars 2015

01.03.05. Scientific American.

– 15. INNÉ et ACQUIS. Deux frères jumeaux américains, actuellement de 51 ans, sont astronautes. Mark Kelly a déjà donné! Il a fait plusieurs missions à la Station spatiale. Scott est un bleu, il va y monter un de ces prochains jours (c’est fait) dans le cadre d’une étude sur l’effet à long terme d’un séjour dans l’espace. Mark fait aussi partie de la mission, mais il restera au sol, il sera la référence exempte du bruit de fond de la variable génétique.

– 50 – 57. ÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE. S. Donner. Fantasy island. Les 33 iles de Kiribati (100’000 habitants) sont des atolls perdus au milieu de Pacifique. Aucune ne dépasse 4m. Elles sont l’objet d’un grand mouvement de compassion, d’un substantiel flux d’argent et d’une avalanche de conseils pour les aider face à la montée des océans que le monde écolobienveillant, mais mal informé imagine déjà catastrophique. Ce n’est pas le cas, les autochtones, polis, en rient. Stupidement cet article ne donne pas l’estimation de la montée des océans, mais il constate qu’elle est encore négligeable en pratique et que la surface de ces iles croît un peu grâce à la bonne gestion des habitants et l’activité des coraux. Je n’ai pas de bons chiffres, mais, à ma connaissance, la montée des océans que l’on peut attribuer à l’échauffement climatique est probablement de l’ordre de 10cm. Depuis 1960 la moyenne annuelle est d’environ 1.6mm. Durant la dernière décennie, elle atteint environ 3mm/an.

Légende urbaine: les océans montent, les côtes sont rongées, déjà un flux de réfugiés climatiques fuit la montée des eaux dans les iles du pacifique. Ça viendra sans doute, mais, pour le moment, c’est faux.

 

5.3.15. Nature 519

-11. INDE, POLITIQUE SCIENTIFIQUE. Arjun. Le nouveau budget pour la science est connu. Il sera légèrement en dessous de l’inflation et la recherche sur les énergies renouvelables est coupée de 68%

– 13 – 14; 24 – 26. EBOLA. Les dégâts collatéraux de l’épidémie. S. Reardon (mental-health). E.C. Hayden (mères et enfants). L’épidémie a touché 24’000 personnes, 9’700 sont mortes. Les femmes enceintes forment le groupe le plus touché. La personne infectée et son enfant survivent rarement à l’accouchement qui est aussi particulièrement dangereux pour les accompagnants. Un tiers du personnel médical mort d’ebola était engagé en gynécologie. Ce fait connu dans la population a pour conséquences que ces femmes sont triplement bannies. Elles sont rejetées des familles, de l’assistance locale (transports), des centres médicaux locaux. Même dans les hôpitaux équipés – mais surchargés – elles doivent attendre le diagnostic fait dans des centres spécialisés avant d’être pris en charge. Ainsi, les femmes enceintes sont privées de support médical et humanitaire. Il est estimé que 120’000 femmes en sont mortes dans les pays de l’épidémie.

– Une petite bonne nouvelle toutefois: l’OMS vient d’approuver un test US simple qui permet de déterminer si une personne est infectée en 15′. Il ne nécessite aucune infrastructure. Jusqu’ici il fallait envoyer un échantillon de sang à un laboratoire spécialisé qui recherchait l’ADN du virus par PCR. Typiquement, il fallait un jour pour cela. La mise à disposition du nouveau test est une étape décisive pour la lutte contre l’épidémie. C’est le virologiste Robert Garry de l’Université de New Orléans qui l’a mis au point avec la firme Corgenix au Colorado. Il s’agit peut-être de la première contribution sérieuse de l’industrie pharmaceutique.

– L’article de Reardon décrit quelques problèmes de santé mentale liés à l’épidémie. Les relations interpersonnelles sont bouleversées dans les communautés. On parle de congélation des contacts sociaux. Il faut aussi imaginer la relation soignant-patient alors que le premier tente de traiter le plus de patients possible pendant le temps limité pendant lequel il peut supporter le scaphandre anti-infection. Une population entière va devoir sortir de son traumatisme, mais l’infrastructure pour l’y aider est inexistante. Avant l’épidémie, il y avait un (1) psychiatre au Libéria et aucun en Sierra Léone. Le drame Ebola n’est pas terminé.

– 106 – 109. BIOPHYSIQUE. Laurée. Dans une protéine, la chaine d’acides aminés est repliée en une forme spécifique dont résulte la fonction de la molécule. Dans certaines protéines, des portions de la chaine restent désordonnées. Ils peuvent, par exemple, jouer le rôle de tentacule pour accrocher ou repousser des voisins de passage. C’est le cas de l’histone H1 ou de protéines des pores nucléaires. Certaines protéines sont intrinsèquement désordonnées et on se demande bien ce qu’elles peuvent faire. Le présent article étudie une protéine désordonnée (4E-BP2) impliquée dans le contrôle de la traduction (l’opération de synthèse des protéines) dans des neurones. La découverte rapportée ici montre que cette protéine devient ordonnée par adition de groupes phosphates en certains emplacements de la chaine désordonnée. Ainsi, une protéine non fonctionnelle, parce qu’informe devient active en prenant sa forme grâce à la phosphorylation. Le fonctionnement d’une cellule est contrôlé par des mécanismes dont la richesse ne cesse de nous étonner. Voici donc un mécanisme et une surprise de plus.

 

06.03.15. Science 347, 6226

– 1064 – 5. SANTÉ, POLITIQUE. Arjun, Lucy. S. Baker. Revient-on au temps d’avant les antibiotiques? Vers 1970, Édouard (mon patron) avait un copain – Anderson si je ne m’abuse – qui était le consultant du gouvernement Anglais pour les problèmes de santé publique. Son cheval de bataille était le développement des résistances aux antibiotiques. Il dénonçait l’utilisation irresponsable de ces médicaments et prédisait le prix qu’il faudra payer. Il s’échauffait vite! Aujourd’hui, la situation est bien avancée. Les souches résistances se développent partout. Les mécanismes qui conduisent à la résistance sont impressionnants. Par exemple, SXT est un groupe de gènes liées qui transmet d’un seul coup au Vibrio cholerae la résistance aux – tenez-vous bien -, sulfamethoxazole, trimethoprimsulfate, chloramphenicole, streptomycine et beta-lactame. Apparu en 73 au Bangladesh, ce facteur se retrouve maintenant partout dans le monde, mais bien d’avantages dans les pays pauvres. Heureusement, on commence à s’agiter, même au plus haut niveau politique. La recherche de nouveaux microbicides, qui avait été largement abandonnée depuis des décennies, parce que trop couteuse, est maintenant réactivée par quelques fortes initiatives politiques. Déjà il y a des succès (Nature 23.1.15; http://www.dubochet.ch/jacques/?p=501#more-501). Toutefois le présent article montre que de nouveaux médicaments n’apporteront qu’une solution locale et momentanée. Ce qu’il faut, c’est changer radicalement les conditions d’utilisations. Comme l’illustre dramatiquement l’épidémie Ebola, la solution n’est pas primairement dans les labos; elle est sur le terrain. Il faudra des moyens, en particulier dans les pays en voie de développement où, faute de diagnostic précis et de suivi sérieux, on donne n’importe quoi, n’importe quand. Ce n’est pas tellement mieux dans les pays développés, en particulier avec l’insupportable pratique d’ajouter des antibiotiques à la nourriture animale. Pour le moment et pour le futur prévisible, ce sont les pauvres qui paient le prix fort.

No. spécial. 100 ans RELATIVIÉ GÉNÉRALE. Malheureusement, la relativité générale, je ne la comprends pas. Les maths sont trop difficiles. J’en retiens ici deux choses:

            – La physique moderne repose sur deux bases: (i) la relativité générale et (ii) la physique quantique. Les bases de la seconde ont été élaborées par un bon nombre de personnes durant un bon nombre d’années et elle ne cesse d’être approfondie depuis. La relativité générale elle, sort du cerveau d’une seule personne en travail intense et solitaire durant deux ans, publié le 2 décembre 2015 en 4 pages auxquelles rien n’a été ajouté ni retranché depuis, si ce n’est les innombrables observations confirmant sa rigoureuse exactitude.

– Arjun. Dans les années 30, l’Indien Subrahmanyan Chandrasekhar (Chandra) combinant physique quantique et relativité générale conclut que les étoiles les plus massives deviendraient instables en fin de vie et s’effondreraient sans limite. Eddington, ponte fameux qui avait participé à la première démonstration expérimentale de la théorie de la relativité générale en 1919, le ridiculisa, estimant qu’il s’agissait d’une « bouffonnerie stellaire ». La querelle dura quelques années, Chandra quitta l’Angleterre pour les USA et changea de domaine, mais son idée reçu plus tard le nom de trou noir et lui, le prix Nobel de 1983.

12.3.15. Nature 519

– 166, 193 – 202. BIOLOGIE MOLÉCULAIRE, BIOTECHNOLOGIE. Clément. Nunez et al, Heler et al., CRISP. La découverte d’importance fondamentale de l’immunologie bactérienne date de 2007. Elle fonctionne ainsi. Lorsqu’un virus attaque une bactérie, des fragments de son ADN sont intégrés entre des séquences spécifiques du génome bactérien. On y retrouve alors ce pattern caractéristique formé d’une succession de séquences répétitives délimitant des séquences virales diverses accumulées au cours des générations. C’est la mémoire immunologique de la bactérie. Associé à cette mémoire existe un processus qui détruit le DNA d’un attaquant, reconnu comme homologue à une séquence mémorisée. C’est remarquable! L’exploration de ce mécanisme complexe va bon train. Les deux articles cités sont des contributions remarquables.

Pour nous, toutefois, le plus important avec le système CRISP, c’est qu’il ouvre la voie à l’ingénierie précise et efficace du DNA. Pour en faire quoi? Le bruit circule que, d’une part, des travaux sont en cours sur des embryons humains, et de l’autre, que des prises de position fortes sont sous presse. On va en reparler.

– 148 – 50. CONFLIT. Lucy. D. Jones. Wars without end. Une approche systémique de la complexité permettrait, prétendent certains, de mieux aborder ces conflits qui n’en finissent pas (Inde-Pakistan, Israel-Palestine, Chypre, RDC, etc.) On comprend ainsi que, sur la fonction de paysage du conflit, une situation qui semble bloquée dans un trou de potentiel sans issu visible peut se résoudre si l’on enrichit la fonction, typiquement, en augmentant le nombre de dimensions considérées ou par une meilleure analyse empirique de leurs relations. C’est tout à fait le genre de raisonnement que je développe dans mon chapitre « faire juste ». L’idée est certainement correcte, mais sur quoi débouche-t-elle? (i) Sur le bon conseil qu’il faut voir large et bien évaluer les différents aspects du conflit ou (ii) qu’une simulation informatique de mille robots virtuels conduira à des solutions réalistes que nul n’avait imaginés. Bof, j’ai peu d’espoirs avec la deuxième approche. Je crains plutôt qu’elle détourne de la simple nécessité de bien penser.

13.3.15. Science 347, 6227.

– ENVIRONNEMENT, ÉCONOMIE. Lucy, Gilles, Peter. S. Naem et al. (40 scientifiques d’institutions diverses, principalement US). La bonne science pour payer le service à l’écosystème. La politique classique de protection de l’environnement veut que le pollueur paie. Aujourd’hui, on tend vers le système proactif du PES: payer pour le service de l’écosystème. La méthode s’étend dans l’agriculture suisse. Typiquement on en voit la marque dans les bandes de terrain non cultivé le long des chemins ou les vaches sorties de l’étable en hiver. Elle l’est plus encore au niveau mondial. Le protocole de Kyoto en est le fameux exemple. Les buts révisés du millénaire de l’ONU pourraient en faire grand cas après 2015. Trois domaines sont particulièrement concernés: l’eau, le carbone et la biodiversité. Le problème est que la mise en oeuvre des PES de manière politiquement robuste et scientifiquement solide est difficile. Ainsi, on constate par exemple que le protocole de Kyoto ne fonctionne pas, comme le prouve la valeur dérisoire de la tonne de CO2, et les paysans suisses nous disent assez les âneries que leur font faire les « spécialistes » de l’administration. Le présent article analyse tous les PES identifiables de par le monde et constate que la majorité  d’entre eux ne sont pas scientifiquement fondés. Fort de cette analyse les auteurs définissent les critères qui doivent être respectés pour rendre les projets scientifiquement acceptables. Ils incluent: un but clairement défini, une situation de départ connue, une action scientifiquement motivée, une procédure d’évaluation, etc. Le principe des PES pourrait être une forte méthode politicoscientifique pour le développement durable. Encore faut-il savoir l’utiliser. C’est comme pour la marche du monde, de l’Europe et même de la Suisse, qui semble trop compliqué pour être conduite (Gilles). Les efforts pour mieux conduire sont bienvenus.

– 1240 – 42. EBOLA, SANTÉ. Akosh. Takahashi et al. Danger de rougeole postebola. Le système sanitaire des pays touchés par l’épidémie Ebola s’est effondré. Nous avons parlé des dégâts collatéraux affectant les mères et les nouveau-nés (Nature, 5.3.15). Ici est discuté le risque lié à l’interruption de la vaccination de la rougeole. Il faut savoir que la rougeole est extrêmement contagieuse; on compte que chaque malade transmet la maladie à 15 autres personnes; pour Ebola, le chiffre est inférieur à 2, même au pire moment de la crise. Selon les données épidémiologiques présentées, une interruption de la vaccination pendant 18 mois causera de l’ordre de 200’000 cas supplémentaires avec autant de morts qu’en a causées l’épidémie d’Ebola. Pour l’éviter, une seule solution: une campagne intensive de vaccination dans les régions en danger. NB. Cet article comme beaucoup d’autres est certainement lié au changement de vitesse dans la recherche sur la façon dont se développe une épidémie. Pour Ebola même, les résultats n’ont pas été impressionnants. A-t-on ainsi fait des progrès? Nous aurons sans doute l’occasion de le savoir bientôt.

– 1243 – 6. PSYCHOLOGIE, POLITIQUE. Lucy. Wojcik et al. Les gens de droite se prétendent plus heureux, ceux de gauche le sont. La psychologie prétend devenir quantitative par le BigData et la statistique. Est-ce que ça marche? Pas de réponse avec le présent article, mais beaucoup de questions. Il est bien établi (r=0.12) que les gens de droite se disent plus heureux que les gens de gauche. Sans doute sur une base husserlienne, l’autoévaluation du bonheur est considérée comme l’approche la plus solide (il s’agit d’évaluer des phrases du genre « en gros, ma vie est presque idéale »; voir YourMoral.org pour s’y essayer). Ces résultats sont validés, normalisés, quantifiés selon différents paramètres. Le présent article met en question la valeur de l’autoévaluation du bonheur. Il se demande s’il n’existe pas un biais systématique dû à un phénomène d’amplification par autoconviction. Pour être plus objectifs, les auteurs utilisent (i) les mots prononcés (emotion scale in psychological litterature PANAS-X pour analyser les « emoticons » joyeux ou tristes) et (ii) la physionomie analysée par ordinateur. Il s’agit là d’évaluer si le sourire est du type Duchenne (coin de la bouche relevé et activité périocculaire = le bon sourire) ou non-Duchenne dans lequel manque l’activité périocculaire ce qui en fait un faux sourire.  Munis de ces deux ensembles de paramètres, les auteurs analysent les paroles et des images des politiciens du Congrès US ainsi que 47’000 Twitts de personnes identifiées comme conservatrices ou libérales. C’est ainsi qu’ils arrivent à la conclusion susmentionnée, renforcée de moult r, beta, P et chi2.

Reste à remarquer que le résultat me plait et à me demander: fait-il sens? Plus généralement: que vaut cette psychologie quantitative sur le Big Data? J’ai l’impression que dans notre institut, on est beaucoup plus sévère dans l’analyse des données de populations et beaucoup plus modeste dans les conclusions. Subsidiairement, pensant aux biais qui sont majoritaires dans les études médicales, comment ne pas être prudent face à une conclusion pareillement plaisante? 

19.3.15. Nature 519.

– MUSIQUE, HISTOIRE. Agnes. Un podcast: http://go.nature.com/xhluk3. Le père de Galliée était un luthiste obsédé de musique, mais l’interaction entre science et musique ne s’arrête pas là.

– 266. EBOLA. Depuis la semaine passée, un médicament canadien pour soigner les personnes malades est en test en Sierra Leone. Les prémisses sont favorables. Ainsi, on pourrait se retrouver très bientôt avec (i) un test rapide et facile pour détecter les malades, (ii) un médicament pour les soigner et (iii) un vaccin pour protéger la population. On tient les pouces.

– 276. SANTÉ. E.Dolgin. The myopia boom. Les gens du Sud-est asiatique deviennent massivement myopes. Que se passe-t-il? Des expériences suggèrent qu’ils ne vont pas assez à la lumière du soleil. Cette condition pose des risques de cécité avec l’âge. Les teenagers de Shanghai font leur devoir 15h par semaine contre 5-6 aux USA et en Angleterre. Qu’en est-il en Chine? Je rapportais récemment un article du New York Review (http://www.dubochet.ch/jacques/?p=435) prédisant la faillite du système chinois parce qu’il pousse à l’apprentissage massif plutôt qu’à la compréhension et la créativité.

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– 309 – 314. GÉNÉTIQUE, POPULATION. Leslie et al. The fine-scale genetic structure of the British population. Un article pour illustrer ce que la combinaison de l’analyse génétique et la statistique nous enseigne. On étudie le génome de 2000 Anglais de pure souche (c’est à dire dont les 4 grands-parents habitaient dans un rayon de 80 km) que l’on groupe par proximité génétique. Ainsi, l’étude porte sur la population anglaise avant les grands chamboulements de la mondialisation. On définit ainsi 17 groupes nettement distincts. Il faut bien dire que c’est la statistique sur un demi-Millon de sites d’ADN pour chaque individu qui révèle cette proximité à l’intérieur du groupe. À vue de nez on ne voit pratiquement pas de différence entre les groupes. Sur la figure ci-dessous, chaque groupe a sa couleur et les 2000 individus sont placés sur la carte. Ce qui saute aux yeux, c’est à quel point la population est structurée et comment la génétique et la statistique le révèlent. La 2e partie de l’article ajoute 6000 individus de l’Europe continentale. Apparaissent alors toutes les migrations et les peuplements de l’histoire de l’Angleterre. On apprend par exemple que la population primitive de Celtes n’était pas uniforme, pas plus que celle des Saxons venus plus tard. Ceux-là ont apporté près de la moitié du patrimoine génétique actuel.

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20.3.15.Science 347, 6228

– 1298. BIOLOGIE, CHIMIE. R.F. Service. Origine de la vie. Un article de J. Szostak (gr. Sutherland à Boston) online dans Nature Chemistry. Pour que la vie telle que nous la connaissons puisse commencer, il faut trois types de molécules: des acides nucléiques (genre ARN), des protéines et des lipides. Malheureusement, les conditions qui favorisent la synthèse abiotique d’un type semblaient jusqu’ici contraires aux conditions favorisant les autres. L’article en question semble avoir trouvé une recette. Partant de HCN et de H2S – des composés bien compatibles avec la chimie terrestre originale – il identifie des voies de synthèses activées par l’UV débouchant sur chacun des 3 types de molécules. Un progrès substantiel.

– 1300 – 01. GÉNÉTIQUE, BIOÉTIQUE, POLITIQUE. Cont. Rapport par J. Bohannon et G. Vogel. Ingéneuring génétique. (Voir aussi Nature 26.3). Avec CRISPR, Gene drive, etc. la technologie génétique sort du bricolage pour devenir un outil mûr. Il n’y a plus moyen de tourner autour du pot, il faut décider ce que l’on en fait. La réalité pourrait nous prendre de vitesse. Un article chinois décrivant une intervention sur un embryon humain serait en publication. Un fort groupe, incluant ceux qui avaient initié le moratoire d’Asilomar en 1975, s’est réuni en janvier à Napa (Ca) pour étudier les mesures à prendre pour que les bénéfices potentiels soient développés surement et éthiquement.  L’article sera publié dans Science du 3 avril. Il est déjà online

 

26.3.15. Nature 519

– 389. NEUROBIOLOGIE, POLITIQUE. Gilles. Cont. Éditorial. Repenser le Humain Brain Project. Il y a 9 mois, une fronde de scientifiques européens se dressa contre le Humain Brain Project (HBP) et Henry Markram de l’EPFL (www.neurofuture.eu). Ce projet one-man-show était dénoncé pour son étroitesse conceptuelle et la déraison de ses prétentions. Un comité indépendant fut désigné. Il vient de rendre son rapport qui corrobore pratiquement toutes les plaintes adressées l’an passé. En particulier il reconnait que le but de modélisation du cerveau est irréaliste dans la situation actuelle et la gouvernance autocratique de Markram est léthale pour les collaborations qui devaient être au coeur du projet tel que voulu par la Commission. Que va-t-il se passer maintenant? Le projet central va être dégradé, d’autres aspects de la recherche sur le cerveau vont y être associés; l’ensemble diversifié prendra éventuellement sa place dans la neurobiologie actuelle. Reste à savoir si (i) l’Europe soutiendra encore le projet phare une fois celui-ci rentré dans le rang, et (ii) quel sera le rôle qui restera à l’EPFL. À suivre – voir aussi Science du 27.3, ci-dessous.

-402 – 405. BIOTECHNOLOGIE, ÉCONOMIE, INNOVATION. Gilles. H. Ledford. Le camp pousse-biotech. Silicon Valley est une icône de l’économie conquérante de la fin du 20e siècle. On le sait. Certains rêvent de répéter l’opération avec les biotechs. Cet article décrit 9 semaines d’une école destinées à ceux qui espèrent y contribuer. Les recettes à développer sont simples: ne pas avoir une idée, mais être prêt à sauter sur toutes; pas trop de temps au labo; interviewer, interviewer, interviewer, convaincre viendra dans un autre cadre. Le fond de l’article donne l’ambiance: arrogance, virilité, certitude d’être le meilleur; du moins, il s’agit de faire semblant. Ce n’est qu’un article de journaliste; est-il significatif? Il illustre en tout cas un courant fondamental de notre société. Vivement plus de femmes avant qu’elles n’en soient déshumanisées.

– 410 – 11. BIOÉTHIQUE, GÉNÉTIQUE. Jean. Cont. Lanphier et al. N’éditez pas la lignée germinale humaine. Les auteurs sont de ceux qui ont développé les méthodes pour modifier l’ADN des cellules de manière ciblée et ils travaillent à utiliser ces méthodes pour corriger des maladies dans le cadre de « The Alliance for Regenerative Medecine », vaste regroupement allant d’associations de patients jusqu’à des firmes de biotechnologie en passant par des ONG et autres organisations non commerciales. Leur prise de position a du poids. Les auteurs nous apprennent que des travaux portant sur la modification du génome d’embryons vont être publiés incessamment. On devait s’y attendre avec le récent développement de la technique CRISPR/Cas9 dont nous avons souvent parlé ici (voir ci-dessus, Nature 12.3.15). La pression monte. Les auteurs demandent un moratoire sur toute modification de la lignée germinale et l’initiation d’une large discussion. Il s’agit bien de limiter l’action aux lignées germinales (celles dont les modifications passeront aux descendants) et non pas aux cellules somatiques pour lesquelles la thérapie génique peut être bienvenue (selon l’avis des auteurs, que je partage). Le problème ne concerne pas la Suisse puisque la manipulation des cellules germinales y est spécifiquement et constitutionnellement interdite, ni 14 autres des 22 nations européennes. Pourtant il est considérable et inévitable.

Voir aussi: http://www.technologyreview.com/featuredstory/535661/engineering-the-perfect-baby/

– 443 – 445; N&W 417 – 8. EAU, CRYO-EM. Algara-Siller et al. Glace cubique et glace carrée. La molécule d’eau se place naturellement au centre d’un cube dont 4 sommets sont occupés par les molécules voisines. En ajoutant un «etc.» on obtient la glace cubique, bien connue en cryo-ME, ou hexagonal, bien connue de tous. Ici, les auteurs laissent l’attraction mutuelle de deux lames de graphène expulser l’eau prise en sandwich jusqu’à ne laisser qu’une ou quelques couches monomoléculaires. Le graphène, cet étonnant arrangement 2-dimensionel de carbone, forme des plans monoatomiques extraordinairement plats et solides. Écrasé entre ces plans, l’arrangement cubique habituel des molécules d’eau est aplati en carré. Les 4 liaisons de la molécule d’eau étant toutes occupées dans ce plan, il ne reste plus de liaisons disponibles pour lier d’autres molécules d’eau dans la 3e dimension. La couche d’eau monomoléculaire est ainsi parfaitement hydrophobe et ces lames d’eau carrées glissent l’une sur l’autre comme eau sur graisse. Dans cette histoire, est-ce l’eau ou le carbone qui nous surprennent le plus? En tout cas, on admire; la nature et la photo.

square ice_Nature 2015

 

27.3.15. Science 347, 6229

– 1397. POLITIQUE SCIENTIFIQUE- Éditorial. Ils sont fous ces Américains. L’augmentation des tremblements de terre en Oklahoma: Silence imposé à l’office de géologie de l’État. Échauffement climatique et développement durable: des mots interdits aux employés d’États de Floride. Il y a 10 ans, le département d’État voulait imposer le silence aux employés du service fédéral de la faune. En réponse, en 2009, Obama garantit la libre expression des chercheurs et la protection des dénonciateurs. Vivement que cette protection s’étende aux États.

 

– 1406 – 7. NEUROBIOLOGIE, POLITIQUE SCIENTIFIQUE. Enserink. Redémarrage d’un milliard cérébral. Il s’agit du Humain Brain Project. Le rapport de Science est plus sévère que celui de Nature (26.3). Au départ il y a eu la lettre de A. Pouget de Genève et Z. Mainen de Lisbonne, soutenue par une centaine de scientifiques, protestant contre la marche du Human Brain Project (HBP). « Un de nos buts était de mettre fin à l’affaire entre Markram et les médias ». Un panel de scientifiques de haut niveau fut désigné – sans Markram ni les deux protestataires. « Un consensus eut été difficile avec Henry et moi (Pouget) dans la même salle. » La Commission européenne désigna aussi un panel anonyme. Les deux groupes arrivent essentiellement aux mêmes conclusions telles que: « extremly troubling unrealistic claims; HBP needs honest and more modest strategy; need for a new interntional gouvernance entity ». P. Gillet, vice-président de l’EPFL accepte toutes ces conclusions. Markram n’est pas disponible. Reste maintenant à les mettre en pratique . Là réside la grande incertitude.

– 1441 – 46. CRYO-ME, BIOLOGIE STRUCTURALE. Urnavicus et al. (MRC, Cambridge) µ-tubules, dyneine et dynactine. La protéine dynéine est la principale locomotive du transport le long des voies que sont les µ-tubules. La dynactine est un cofacteur essentiel. Cette étude par cryo-me à une résolution de 8 – 4Å décrit ce gros complexe de 23 sous-unités comprenant deux filaments de type actine de 4 et 5 sous-unités. Un modèle de fonctionnement en est déduit. Je compte les points pour la cryo; en voilà un gros de plus.

– 1480 – 84. ÉDUCATION, STATISTIQUE. Widom et al. Transmission intergénérationnelle d’abus sur les enfants: réalité et biais de détection. C’est un fait connu et robuste: les enfants abusés ont tendance à devenir des parents abuseurs. Les auteurs élargissent, contrôlent par enquêtes individuelles et réanalysent les données. Ils concluent que l’effet est un biais dû au fait que les parents connus pour avoir eux-mêmes subi des abus sont surveillés de plus près et sont plus facilement identifiés comme abuseurs. Le prétendu effet disparait lorsque qu’il est tenu compte de ce biais. Reste le drapeau rouge de danger qu’il faut agiter chaque fois que s’accumulent les mots-clés tels que: statistique, sciences sociales, politiques, économie, intérêts financiers, morale. Dans ce cas, j’agite.

Science – actualité, février 2015

01.02.05. Scientific American.

-26-33. ANTHROPOLOGIE. K. Wong. Neandertal Minds. L’opinion publique imagine que l’homme moderne est sorti suprêmement intelligent de la masse des autres branches d’humanoïdes en évolution. Cette idée n’est pas raisonnable, pas plus que celle, courante d’il y a quinze ans, selon laquelle l’H. sapiens devait avoir bien plus de gène que les autres mammifères. Non. L’homme du Neandertal avait un cerveau de dimension semblable, ou un peu plus gros, que l’homme moderne. Si le génome de n’importe quel humains non africains contient 1.5-2% d’ADN de Neandertal, on peut penser que 35-70% du génome de Neandertal se retrouve quelque part dans le génome des humains. En Europe du sud, les deux populations se sont superposées pendant au moins 5’000 ans. Quand à l’expression symbolique et artistique, les évidences que les néandertaliens en étaient aussi capables sont nombreuses. Par exemple, les coquilles marquées et peintes.

-76. EBOLA. Il y a eu 23 épidémies d’Ébola en Afrique depuis 1976, surtout en RDC et au Soudan, avec un total de 2315 personnes atteintes. L’une d’entre elles a eu lieu l’an passé en RDC, touchant 66 personnes et en tuant 49. Pourquoi l’épidémie encore en cours en Afrique de l’ouest a-t-elle pareillement explosé (17’800 cas au début décembre 2014)? On ne le sait pas. C’est inquiétant.

 

05.2.15. Nature 518

-20-23. TRAFIC, ENVIRONNEMENT. M. Waldrop. No drivers required. Voir aussi: http://www.dubochet.ch/jacques/wp-admin/post.php?post=500&action=edit. La voiture sans conducteur arrive. Le trafic cause 1.24 M † par an dans le monde. Quatre états US dont le district de Columbia, permettent les voitures sans chauffeur. La technologie V2V (vehicule to vehicule) va sans doute être prochainement rendue obligatoire sur les véhicules neufs. La décade
2020 en verra l’épanouissement. Il y a 800M de places de parc aux USA et il y a de quoi économiser.

29-31. CLIMAT, ENVIRONNEMENT. Long et al. Start research on climate engineering. La figure en dit plus qu’un long argument; l’ingéniering climatique est potentiellement puissant. Cette image montre les traces laissées par des bateaux. Elles sont suffisantes pour modifier très significativement l’albedo local, c’est à dire la proportion de la lumière incident qui est réfléchie dans l’espace. Pourtant, même sans études préalables sérieuses, la méthode a déjà fort mauvaise presse. Il est vrai que les problèmes sont considérables; l’intervention ici affectera ailleurs; il n’y a pas de mécanismes de régulation politique, on a déjà entendu parler de la main-mise de la finance et des brevets. Faut-il commencer à explorer? On aimerait que ce soit prudemment et de manière bien contrôlée. Peut-être sera-ce une avenue obligée pour introduire une vraie gouvernance mondiale?

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L’éditorial de Science, 20.3.15 revient à cette problématique. Comment faire prudemment cette recherche tout en évitant les expériences sauvages et les dérapages? La question n’est pas sans analogie avec celle-ci:  « comment agir sur les gènes que l’on laisse aller dans la nature? ». C’est l’affaire des OGM et de la thérapie génique germinale.

6.2.15. Science 347.

– 612-13. NEUROBIOLOGIE. Notre tordu sens de l’espace. Les « place cells » (PC) sont des neurones de l’hippocampe qui envoient leur train de signaux selon l’emplacement précis où se trouve l’animal. (Un prix Nobel de cette année honore la découverte). Normalement, seule une minorité des neurones du groupe sont impliqués. La question posée ici est celle-ci: que ce passe-t-il quand le rat découvre de nouveaux territoires? La réponse montre d’abord que le nombre de neurones impliqués dans la localisation augmente logarithmiquement. Doubler le nombre des bras du labyrinthe ou la surface du territoire augmente linéairement le nombre de PC impliquées. Conséquemment, la relation – un lieu/une PC n’est pas valable et l’enrichissement du territoire va de pair avec l’activation de plusieurs PC par lieu. On ne connait pas comment les PC codent leur message, mais les auteurs suggèrent que, en plus du message « c’est là », il doit y avoir un message moins spécifique permettant de différencier le même « c’est là » attribué à plusieurs lieux. Cet autre message plus général expliquerait l’agitation de certaines PC lorsque le rat se trouve en territoire inconnu. Par ceux-ci, quel que soit le nouveau lieu, le rat s’y retrouve toujours un peu.

– 659 – 64. NEUROBIOLOGIE, OPTOGÉNÉTIQUE. Creed et al. (groupe de Christina Lüscher – on le connait – à Genève). Refining deep brain stimulation to emulate optogenetic treatment of synaptic pathology. L’optogénétique est une technique formidable. Elle consiste à incorporer dans l’ADN d’une cellule particulière (un type de neurone) le gène codant pour une rhodopsine bien choisie. La rhodopsine est une protéine bactérienne qui fonctionne comme pompe à ion solaire. Éclairée avec la bonne couleur, elle envoie un flux d’ions spécifiques à travers la membrane. Il est ainsi possible d’activer ou d’inhiber la cellule en l’éclairant. L’effet peut être très rapide (ms). On peut combiner différents types de rhodopsine dans la même ou différentes cellules pour produire différentes actions selon la couleur. La simulation cérébrale profonde consiste à placer des électrodes dans le cerveau pour l’influence par des champs électriques de diverses fréquences. La méthode est d’usage reconnu pour le traitement du Parkinson et quelques autres maladies. On pense à l’étendre à la dépression, les troubles bipolaires et les addictions. L’effet n’est pas durable et on ne connait pas le mode d’action. Dans cet article, les auteurs étudient comment l’optogénétique peut être utilisée pour traiter l’addiction à la cocaïne chez le rat. Ils arrivent à un protocole efficace et d’effet durable. Les détails sont difficiles à suivre.

 

12.2.15. Nature 518

– 148 – 9. MÉDECINE, SANTÉ. La course pour éradiquer la variole et la rubéole. Ces maladies font des ravages dans les pays en voie de développement (110k en Chine, 90k en RDC) où, dans les pires régions, la première tue jusqu’à 30% (<0.5% chez nous). L’OMS visait 90% de vaccination mondiale en 2015 et 95% en 2020. On n’y est pas. Le problème est la crise économique qui diminue l’effort et la résistance de groupes politiques et idéologiques, dans nos pays aussi. Aux USA le taux de vaccination est de 91% en baisse de 2% depuis 2004. Les nouvelles du jour (23.2) annoncent la mort d’un enfant à Berlin alors que l’épidémie a déjà atteint 500 personnes.

– 187 – 206. MÉDECINE, SANTÉ. Deux articles avec chacun plus de 400 auteurs plus d’un quart de million de patients, étudient la génétique de l’obésité. Le deuxième trouve 97 loci associé avec le BMI, comptant pour 2,75 % de la et concluant que l’ensemble pour expliquer >20%. Le premier étudie le rapport entre le tour de taille et le tour de hanches. La conclusion est que l’obésité est une condition complexes et multifactorielle. Elle indique des directions à creuser et systèmes métaboliques impliqués. Il n’y a pas de solution simple en vue.

 

13.2. Nature 347

– 701 – 2. EBOLA. Quatre vaccins sont en phase de test dans les pays de l’épidémie, mais la seule information arrivée au public provient d’un article du New York Times annonçant le succès du vaccin japonais favipiravir. L’INSERM qui coordonne l’essai proteste, c’est trop tôt, le test n’est que préliminaire, il y a embargo jusqu’au 25.2. Le Welcome Trust qui teste le brincidofovir au Libéria annonce la fin de l’essai parce que la firme productrice se retire (on ne sait pas pourquoi). La Guinée et la Sierra Léone, refusent de laisser tester ZMapp parce que la procédure implique un groupe de contrôle placébo. La diminution du nombre de malades fait qu’il devient de plus en plus difficile de recruter assez de monde pour les tests. Il faut rediriger les populations cibles et les critères de recrutement, tout cela dans un contexte de concurrence extrême et de manque d’information. Conclusions: (i) le drame du chacun pour soi et la folle absence d’un réel organe de coordination; ça va de mal en pis; (ii) l’évolution rapide des conditions locale et le difficile déroulement des expériences confirment la nécessité que les tests soient totalement rigoureux (randomisation systématique de la cohorte, groupe placébo, analyse en double aveugle jusqu’à la fin).

– 702-3. Lucy Buts du millénaire de l’ONU. Enfin une analyse sérieuse et objective des buts par un panel de scientifique sérieux (principal coordinateur: ICSU (Internat Council for Sci. Union), ONG centrée à Paris représentant les scientifiques de 121 nations). Conclusion: des 169 buts du programme, seulement 29% sont quantitativement définis. Pour 54% le but doit être clarifié. 17% sont redondant ou inutile. Malheureusement, le programme est si lourd qu’il est quasiment impossible de le corriger en route.

– 729 -30. CANCER, ENVIRONNEMENT, RISQUE. Abondant courrier à propos de l’article Tomasetti et Vogelstein de science du 2.1.15. On y revient. L’article fait des vagues. De quoi s’agit-il? Les cancers sont dus à des mutations. On pense habituellement qu’elles peuvent avoir deux origines. D’une part les défauts génétiques (par ex. Brca pour le cancer du sein), de l’autre les agressions de l’environnement (chimie, fumée, radioactivité). Une 3e est connue, mais généralement négligée: les erreurs de réplication lors des divisions cellulaires, car le processus de copie de l’ADN a un certain taux d’erreur. Sur la base d’une large étude des cancers aux USA, Tomasetti et Vogelstein montrent que la probabilité de cancer dans un tissu est déterminée pour 2/3 par le nombre de réplications du chemin de développement ayant mené à ce tissu. Ils concluent que le cancer est la faute à pas de chance. Le résultat est solide, nouveau, mais en opposition avec l’idée établie. Chacun sait que la fumée induit le cancer du poumon et semblablement pour n’importe quel autre cancer. Les auteurs répondent, oui, bien sûr, il y a une part d’induction environnementale, très importante pour certains cancers, mais globalement, dans l’ensemble, les mutations aléatoires durant la réplication rendent compte de 2/3 des cas.

Une partie du débat est idéologique, par exemple pour ceux qui rejettent cette théorie néfaste à la lutte pour l’environnement. Je ne suis pas encore au clair dans le débat scientifique qui est souvent subtil et compliqué. Je ne sais pas que répondre à l’argument de la cigarette. Pourtant je suis sensible en particulier aux deux arguments suivants.

(i) Les auteurs constatent: si nous découvrions que la quantité d’une certaine substance corrèle avec le développement de cancers, tout le monde acceptera que cette substance soit cancérigène. Nous montrons que le nombre de réplications dans un tissu corrèle avec le développement de cancers. Alors quoi?

(ii) Je lis dans le même no de Science, p. 734, que le nombre de cancers augmente dans le monde (38.5% pour les hommes nés en 1930 et 53.5% pour ceux nés en 1960; pour les femmes, c’est 36.7 et 47.5%), mais que l’allongement de l’espérance de vie rend compte de l’essentiel de cette augmentation. Augmentation de la durée de vie, augmentation du nombre de réplications, on en est bien là.

 

 

19.2.15. Nature 518

– 279. OGM. Bonne nouvelle! Enfin un OGM fait pour satisfaire le goût des consommateurs et non les chimistes et les gros paysans. Dès 2016 les Américains pourront enfin acheter la pomme qui ne brunit pas une fois coupée grâce à la désactivation du gène d’un enzyme. Bravo, on l’a toujours dit: c’est quand les consommateurs vivront au quotidien le bienfait des OGM que le scepticisme sera enfin surmonté.

– 283 – 4. CARRIÈRE, STATISTIQUE. L’analyse de millions de publications tend à montrer que les jeunes font leur recherche de manière plus innovatives, mais que l’encadrement des vieux peut être utile. Voir aussi Science du 6.2.2015 sur ce qui fait la qualité des entrepreneurs. La démarche consiste à faire de la statistique grâce aux données abondantes (par exemple pour les entreprises, on prend tous les paramètres qui sont signifiants à >5%, comme la longueur du nom de la firme, ou si le nom du fondateur y est inclus, etc., etc. Souvent, comme la première de ces analyses, les résultats sont triviaux. Souvent, on ne voit pas ce qu’ils amènent.

Méfions-nous. BigData, big computer et statistique forment un outil hyperpuissant qui toujours fonctionne même en absence de toute intelligence.

313 – 369. DOSSIER ÉPIGÉNÉTIQUE. Epigenome roadmap. Les gènes portent l’information pour faire les protéines. On sait assez bien la lire et l’interpréter. Les gènes ne couvrent qu’une toute petite partie de l’ADN. Reste à savoir quand leur message doit être exécuté, où et en quelle quantité. C’est le problème de la régulation des gènes. Pour ce faire l’information est inscrite (i) dans le reste de l’ADN sous une forme que l’on découvre petit à petit et (ii) par des modifications chimiques apportées à l’ADN et à des protéines qui y sont associées. L’ensemble de ces modifications s’appelle l’épigénome. Le premier de ces articles rapporte la lecture de 111 épigénomes et l’analyse que les auteurs font de cette masse d’information. C’est compliqué. Les autres articles sont pires. Il faudrait aller (beaucoup) plus souvent aux séminaires du CIG, lire et se faire expliquer.

 

20.2.15. Science 347

– 348-9. PSYCHOLOGIE, MÉDECINE, NEUROBIOLOGIE. Young et Barrett. Can oxytocin treat autism? L’injection intranasale d’oxytocin améliore la compétence sociale et l’empathie. Malgré le grand battage publicitaire qui en est fait, les résultats ne sont pas si clairs et l’usage thérapeutique, par exemple pour l’autisme, est, au mieux, en début de recherche.

– 830 – 831. Manu. FRACKING. McGarr et al. Coping with earthquakes induced by fluid injection. On injecte des fluides sous haute pression dans les roches profondes pour toutes sortes de raisons: induire des fractures pour sortir du pétrole ou du gas (fracking), capturer le CO2 pour qu’il n’aille pas dans l’atmosphère, extraire la chaleur pour la géothermie. Le problème est que l’action génère des tremblements de terre, et pas qu’un peu. Ainsi, il n’y avait pas de tremblements de terre en Oklahoma. Depuis que le fracking est arrivé, il y en a plus qu’en Californie (voir dessin). Le plus souvent, les injections sont faites dans les roches sédimentaires qui ne sont pas les lieux des grandes failles. Par contre, pour la géothermie, il faut aller dans le socle rocheux. Est-ce sage? Les Bâlois ont, d’un seul coup, acquis une notoriété certaine. Le problème est complexe. D’abord il faut apprendre ce qui se passe et voir comment on peut réduire les risques; bcp. de travail pour géologues. Ensuite il faut voir comment faire face au risque; bcp. de travail pour les juristes, les politiciens et les citoyens. La belle idée de Manu selon laquelle la lubrification des fractures sera, pour l’écorce terrestre, un doux massage relaxant dont elle ressortira calme et sereine sera difficile à vendre à ceux qu’elle secoue. L’article ne la mentionne même pas.

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26.3.15. Nature 518.

– 461. ÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE. Quelques chiffres récents sur la montée des océans à New York. Actuellement: 3mm/an. En 2100 l’eau sera montée de 56-127 cm (probablement ±sigma) et il y a 10% de chance de dépasser 191cm.

– 457 et 460. CLIMAT, NÉGATIONNISTE. Willie Soon est une étoile dans le sombre ciel des négationnistes, le petit groupe de scientifiques qui nient la responsabilité humaine dans le changement climatique. Son truc est le cycle solaire. Son autre truc ce sont ses relations avec l’industrie dont il défendait la stricte légitimité. (Un des ses arguments: je collabore avec l’industrie, d’autres collaborent avec l’État, ils en reçoivent de l’argent, où est le problème?). Grâce aux lois de libre information, Greenpeace a obtenu les détails de cette collaboration. C’est beaucoup d’argent (400 k$ reçu personnellement depuis 2006) et un contrat stipulant le contrôle avant publication par le sponsor, une firme d’électricité. 2e problème, son institution, le centre d’astrophysique de Harvard Smithsonian, connaissait les liens et a laissé aller au nom de la liberté académique.

– 477 – 9. EBOLA. Yozwiak et al. Les données sur l’épidémie doivent être en libre accès. Le graphique parle de lui-même. D’aout à décembre 2014, c’est à dire pendant toute la pire phase de l’épidémie, aucune donnée sur le virus n’a été publiée. Secret commercial!

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– 481. SEX and EVOLUTION. RECENSION. Konner, M. (2015). Women After All: Sex, Evolution, and the End of Male Supremacy. The mammalian body plan is basically female, and maleness is a syndrome. … Towards a « man-free world where women seproduce using DNA from other women’s eggs.

Mais voir aussi: Ainsworth, C. Nature 518, 288-291 (2015) Sex Redefined.

 

27.2.15. Science 347.

– 931. MÉDECINE. Une idée très répandue dans la population veut que ce que l’on mange nous aide à développer un système immunologique équilibré et nous évite des maladies auto-immunes. Elle est pourtant difficile à démontrer. Une étude récente publiée par le NEJM rapporte une étude faite sur plus de 600 bébés à risque d’allergie aux cacahouètes. Ceux à qui une faible dose avait été ajoutée très tôt pendant quelques semaines ont 5 fois moins de chance d’être allergiques à 5 ans.

SOLEIL. Je suis persuadé depuis 50 ans que l’avenir de l’énergie est dans le soleil. Il suffit de penser à un cours de physique générale; presque chaque chapitre y traite d’un phénomène par lequel un photon libère un électron. Parmi toutes ces possibilités, il y en a surement quelques-unes d’utilisables. Il suffit d’y travailler. Pendant très longtemps on s’est contenté de creuser quelques solutions possibles, toujours les mêmes. Il semble que l’on commence à se bouger. Deux articles de ce cahier de Science en sont une belle illustration.

 

– 967 – 70. ENERGIE, SOLEIL, PEROVSKITE. Dong et al., (US) Electron-hole diffusion lengths >175µm …
Les propriétés photovoltaïques de certaines perovskites (CH3NH3PbI3) ont été découvertes récemment et la rapidité des progrès est impressionnante. J’en ai souvent parlé dans ce blog. Faites de matériaux abondants, par des processus simples, ces cellules atteignent maintenant un rendement de 20% avec l’espoir de faire nettement mieux. Le présent article rapporte une propriété étonnante et prometteuse des monocristaux de cette substance. Il s’agit de ceci.

Dans un système photovoltaïque, le photon absorbé libère un électron et un trou qui diffusent, chacun de son côté, vers leur électrode respective, espérant qu’ils ne sont pas neutralisés en chemin. La distance de libre diffusion est donc un paramètre important de tout récepteur photovoltaïque. Elle impose la distance à laquelle doivent être les deux électrodes (compliqué quand il s’agit de quelques nm (10-9m)) et l’intensité lumineuse utilisable (forte intensité => plus de neutralisation des charges). Elle vaut plus de 0.1µm pour la perovskite polycristalline des cellules récemment développées. Dans le présent article il est montré que les monocristaux de la même substance ont une distance de libre diffusion qui est de l’ordre du mm! Si je comprends bien cette propriété est favorable à la production  de cellules simples pour haute intensité lumineuse.

 

– 970 – 74. ÉNERGIE, EAU, SOLEIL. Liu et al. (Chine et Israël). Metal-free photocatalyst for water splitting.

Des bulles de gaz apparaissent dans un récipient d’eau placé au soleil. C’est l’air dissout dans l’eau que la lumière libère. Ce n’est pas très utile. On peut imaginer mieux: la décomposition de l’eau en hydrogène et oxygène par les photons du soleil. 2H2O=> 2H2 + O2. On verrait alors l’eau bouillir au soleil dans un dégagement des deux gaz, bourrés d’énergie… et dangereusement explosifs. On maitrise bien la réaction de décomposition de l’eau en ses composants. La méthode la plus classique est l’électrolyse par laquelle une tension électrique appliquée entre deux électrodes produit un courant de bulles d’hydrogène sur l’une et d’oxygène sur l’autre. Le problème est que toute l’énergie pour la réaction doit être fournie par l’électricité. On sait aussi utiliser des électrodes photocatalytiques pour faciliter la réaction, mais le rendement est faible et le gros de l’énergie doit quand même être fourni par la tension électrique. La solution de rêve imaginée ci-dessus ne fonctionne pas, car elle implique l’improbable réarrangement coordonné de 4 électrons. Dans la réalité il se forme des états intermédiaires instables (H+; OH-) qui se recombinent rapidement en vulgaires molécules d’eau, oh!

Le présent article démontre la faisabilité d’une solution en deux étapes. 2H2O + photons catalysés par C3N4 => H2O2 + H2; 2H2O2 catalysé par CDots (nanoparticule de graphite). Ce sont deux réactions impliquant chacune 2 électrons coordonnés. La première est photoactivée. Comme son produit, l’eau oxygénée, est relativement stable, les CDots ont tranquillement le temps de catalyser sa décomposition exothermique en eau et hydrogène. Le rendement dépend de la longueur d’onde de la lumière. Il est de 2% pour la lumière solaire totale (c-a-d. que 2% de l’énergie solaire tombant dans l’eau est transformée en énergie chimique). C’est remarquable étant donné que tous les constituants sont faciles à produire à partir de matériaux inépuisables et non toxiques. Ainsi, il suffit d’éclairer l’eau saupoudrée de la poudre miracle et la voilà qui se met à bouillir des précieux gaz. Les auteurs font remarquer que la réaction fonctionne aussi avec l’eau de mer, mais à plus faible rendement, ce qu’il faudra comprendre pour améliorer. Évidemment, il faudra séparer le mélange H2, O2, mais les techniques sont déjà connues et utilisées à grande échelle. Évidemment aussi, il faudra développer la filière de l’énergie par l’hydrogène. Beaucoup la considèrent comme la solution idéale, mais son développement sera une grosse affaire.

Eh eh! Il se passe des choses prometteuses dans le domaine de l’énergie. Gardons l’oeil ouvert.