Archives mensuelles : juillet 2018

Dupuy, J.-P. (2005). Petite metaphysique des tsunamis: Éditions du Seuil.

Je doute avoir compris le fond de sa pensée. 

Une analyse philosophique du mal avec, selon moi, un encrage dans l’idée que le mal est un scandale et que la shoa – mauvais mot selon lui – a cassé toutes les échelles et ouvrant le monde sur un nouveau catastrophisme. 

Il analyse le mal et les désastres en se référant à tout ce qui a été dit sur le sujet, Voltaire et Rousseau en particulier , mais je ne comprend pas très bien quel fil rouge il suit lui-même si ce n’est l’intrication du mal et du divin. Il utilise beaucoup le mot transcendance; la sienne est divine. 

Il conclut – si je comprends bien – que le mal explose dans la modernité, ouvrant ainsi  les désastres avenir. Il termine ainsi: 

« … quand l’humanité, dans la panique, découvrira l’étendue du désastre [il faudra qu’elle] marque une pause … pour accéder à la conscience au moment même où sa survie est en question. … Seul un miracle pourrait le permettre, à condition surtout que nous ne l’espérions pas. »

Donc, surtout ne pas croire au miracle, c’est à dire à quelque chose qui pourrait nous sauver. En particulier il rejette  durement le « catastrophisme éclairé » ou  l' »institutional design », c’est à dire « un design qui ne se limite pas aux chaises … mais qui porte désormais aussi sur les institutions et les nations… ». Il admet qu’on ne peut rien faire, c’est foutu, peut-être, du désastre, en sortira un homme nouveau.

Personnellement, je trouve difficile de voir clair dans la soupe à la réalité et au mystique qu’il brasse.  Je crois qu’il est  plus facile de trouver son chemin en essayant d’être au clair sur la différence entre ce que la nature nous donne et ce que nous en faisons. Comme l’avenir n’est pas écrit, ce n’est certainement pas le rôle de ceux dont les générations ont produit cet état de déclarer qu’il n’y a rien à faire. Moi, je veux croire qu’il y a.

Trumperies

21.7.18: Un article du Bulletin of the atomic scientist. « It is incumbent on the press to raise questions about whether Trump is compromised or controlled by Russia to better prepare US citizens for the consequences. »

La situation est probablement la suivante. Un imbécile égotique  et un dictateur intelligent qui, à eux deux, contrôlent 80 % (?) des armes nucléaires du monde. Le premier allant chez le second pour demander que celui-là le protège de la révélation que, ensemble, ils ont complotés  pour faire élire le premier. Ça mêne où?

En tous cas, les carte de la stratégie mondiale sont sens dessus de sou. Le rapport est-ouest est bouleversé, l’OTAN démoli, l’Europe bien faible, la Chine bien forte.  Les conséquences sont imprévisibles mais l’article du Bulletin fait remarquer qu’il est grand temps que les citoyens américains se préparent aux conséquences. Les Européens peut-être encore plus.

Note: le lendemain, dimanche 22.7. long document de avaaz@avaaz.org disant la même chose en détails et avec une masse de documents.

Juin 2018, actualité scientifique Jacques

07.06.18. Nature 558, 7708

41 – 9. CLIMAT, ÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, ACCORDS DE PARIS

Un échauffement moyen limité à 1.5°C n’évitera pas de grandes variations régionales.

L’élévation moyenne de température en tant que paramètre global pour évaluer l’évolution du climat est problématique (cf. par exemple, Parcours, p. 144.). Le présent article reprend les buts de la COP 21 (+1.5°C ou +2° à la fin du siècle) pour les analyser plus en détail. Je relève quelques points de cet article enrichi par la discussion que j’ai eue hier avec Thomas Stocker de Berne, coordinateur du rapport scientifique qui a servi de base à la COP21.

On vise généralement 2100 pour évaluer l’avenir, mais 2100 n’est pas la fin. Le CO2 mis dans l’atmosphère s’équilibre rapidement avec le CO2 dans l’eau de surface (15% air/85% eau), d’où l’acidité croissante des mers. L’équilibre avec la masse totale des océans est accéléré par les grands courants circumterrestres.

Une fois le CO2 équilibré dans l’atmosphère, il y est pour très longtemps. Ainsi la température ne redescendra pas quand nous aurons fini de déverser le CO2 dans l’atmosphère. Le phénomène lent comme la montée des eaux due à la fonte des calottes glaciaire est en route pour… 10’000 ans peut-être. Le rapport du GIEC prévoit entre 30 cm et 1m à la fin du siècle. La fonte du gros des calottes glaciaires impliquera 60 – 80 m.

Revenons à l’article rapporté ici. Il essaie de préciser ce que sera l’échauffement selon le scénario (1,5° ou 2°) et selon les grandes zones climatiques. Deux nous intéresse particulièrement.

  • La région méditerranéenne ne s’échauffera pas plus que la moyenne, mais elle deviendra plus sèche.
  • Les régions arctiques et les régions de montagnes neigeuses (la Suisse) qui sont influencées par le forçage climatique dû à la diminution de la couverture neigeuse. En effet, la neige réfléchit le rayonnement solaire. En absence de neige, le soleil échauffe davantage. L’échauffement dans l’Arctique serait plutôt de 4 à 7°. Dans les Alpes il serait deux fois plus grand que dans les plaines européennes (3° au lieu de 1,5).

Seneviratne, S. I., Rogelj, J., Seferian, R., Wartenburger, R., Allen, M. R., Cain, M., . . . Warren, R. F. (2018). The many possible climates from the Paris Agreement’s aim of 1.5 degrees C warming. Natrure, 558(7708), 41-49. doi:10.1038/s41586-018évaluer l’-0181-4

 

14.06.18. Nature 558, 7709.

– 161, 199 – 241. ANTARCTIQUE, CHANGEMENT CLIMATIQUE, GOUVERNANCE

Le point sur l’Antarctique.Un éditorial et cinq gros articles sur l’état d’une masse de glace qui contient plus de 60% de l’eau douce de la Terre (y compris les nappes phréatiques) et dont l’histoire est écrite mieux que n’importe où ailleurs dans les forages qui portent actuellement sur 800’000 ans et, peut-être bientôt, sur 2 millions d’années. L’article par Brook et Buizert fait le point.

Le traité sur l’Antarctique de 1959 avait assuré une paix relative sur ce continent où il n’y avait rien à tirer – hormis la pêche – mais où tous les puissants – USA en tête – voulaient garantir leur position – on ne sait jamais. Seule la recherche est autorisée. Toute exploitation du sol est bannie jusqu’en 2048 au moins. Le traité ne fonctionne que par la bonne volonté des 53 nations signataires qui ont toutes droit de véto sur les décisions. La limite du traité est évidente , par exemple, par la façon dont les Japonais narguent l’interdiction de pêcher dans le territoire.

Pourtant la situation est en train de changer en raison de l’attrait touristique – eh oui, cela semble peu de chose, mais cela représente une nouvelle façon de voir le continent – et parce que le continent est en train de se dégager sous l’effet de l’échauffement climatique. Dans les siècles et millénaires avenir, il sera le principal contributeur à l’élévation du niveau des océans que l’on peut prévoir entre quelques mètres, si le monde applique les mesures sévères convenues à Paris ou, près de 100m si nous laissons le climat nous échapper complètement. Dans ce cas, la Hollande n’existera évidemment plus et, de Paris, il restera une mini-ile à Montmartre. La différence entre ces deux possibilités est significative(!). L’inéluctable montée de quelques mètres est la conséquence de l’activité humaine durant le siècle passé. Continuera-t-on vers 100m ? L’article par Rintoul et al. analyse comment les actions de ces prochaines décades feront la différence.

L’Éditorial conclut à la nécessité de redéfinir la gouvernance de ce continent. Le défi est exemplaire. Il nous dira sans échappatoire comment et combien nous sommes capables de gérer le « vivre ensemble » sur la Terre.

Éditoriale. Reform the Antarctic Treaty. (2018). Nature, 558(7709), 161. doi:10.1038/d41586-018-05368-7

Brook, E. J., & Buizert, C. (2018). Antarctic and global climate history viewed from ice cores.Nature, 558(7709), 200-208. doi:10.1038/s41586-018-0172-5

Rintoul, S. R., Chown, S. L., DeConto, R. M., England, M. H., Fricker, H. A., Masson-Delmotte, V., . . . Xavier, J. C. (2018). Choosing the future of Antarctica. Nature, 558(7709), 233-241. doi:10.1038/s41586-018-0173-4

 

J’ai pourtant mieux ! Thomas Stocker de l’UniBerne est notre monsieur Glace polaire suisse. Il est aussi coauteur du rapport IPCC qui a servi de base scientifique à la COP 21 de Paris. C’est dire si la source est bonne. Il vient de publier (malheureusement en allemand) dans un volume improbable (Die Gebäudeversicherung Bern im Wandel der Zeit) la meilleure synthèse que je connaisse sur le problème climatique. Tout y est. Surtout, il analyse la catastrophe qui est en train de se développer et comment elle pourrait être maitrisée. Je ne relève ici que deux points.

  • La COP21, se sachant trop optimiste avec les mesures qu’elle avait mises en place pour réaliser les buts des 1.5 ou 2°C, faisait grand cas de la capture du carbone. Elle y voyait une solution miracle à la faiblesse des nations. L’argument de Stocker est sans appel. Il faut oublier la géoingénierie sous quelque forme que ce soit.

L’autre me rend joyeux.

  • L’humanité a vécu récemment 3 révolutions industrielles, le moteur thermique, la mobilité automobile, l’informatique. Les trois se sont initiées en des temps étonnamment courts comme l’illustre la fig. 13 reproduite ici: à New York, en 13 ans, la voiture automobile a balayé les véhicules à chevaux.

 

  • Nous sommes à la veille de la 4erévolution industrielle, celle de la décarbonation et de la durabilité. Chez nous aussi, dans 13 ans, les voitures individuelles et leurs moteurs thermiques pourraient être caducs, comme aussi la surexploitation des ressources.
    En quelques pages, Stocker rend cette possibilité crédible et, même, presque naturelle.

Stocker, T. F. (2018). Der Klimawandel. Berner Forschung, globale Politik, lokale Herausforderungen. In Haupt (Ed.), Die Gebäudeversicherung Bern im Wandel der Zeit(pp. 121 – 139). Bern.

Copie attachée à ce courriel.

 

21.06.18. Nature 558, 7710

374 – 5, 445 – 8. SCIENCE, BIOLOGIE, CELLULES SOUCHES.

Taux anormalement bas de mutations dans les cellules souches.

Comparant les mutations aux extrémités du grand chêne de Dorigny, notre ami Philippe Reymond, et al. avait montré que le taux de mutation des cellules souches est étonnamment bas ; plus importantes que les autres cellules, un mécanisme mystérieux les préserve. Intéressant !

Schmid-Siegert, E., Sarkar, N., Iseli, C., Calderon, S., Gouhier-Darimont, C., Chrast, J., . . . Reymond, P. (2017). Low number of fixed somatic mutations in a long-lived oak tree. Nature Plants, 3, 926–929.

 

Le présent article et son explication dans News and Views présente le même effet chez le poisson-zèbre et en élucide la cause – au moins une cause -: une ombrelle de mélanocytes protège les cellules souches haematopoïetiques HSPC de l’irradiation solaire. La figure en illustre le principe. Joli !

Beerman, I. (2018). Stem cells hide from the sun. Nature, 558(7710), 374 – 375.

Kapp, F. G., Perlin, J. R., Hagedorn, E. J., Gansner, J. M., Schwarz, D. E., O’Connell, L. A., . . . Zon, L. I. (2018). Protection from UV light is an evolutionarily conserved feature of the haematopoietic niche. Nature, 558(7710), 445-448. doi:10.1038/s41586-018-0213-0

 

379 – 80, 420 – 423. SCIENCE, PHYSIQUE, ÉCOULEMENT DE FLUIDE SANS FROTTEMENT.

Le gaz s’écoule sans frottement dans un tube dont la surface est atomiquement plate.

L’angle d’incidence et de réflexion des photons sur un miroir sont les mêmes. On dit que l’interaction est spéculaire. Ainsi, ils peuvent courir sans limites dans une fibre optique. Dans du lait, les photons ne se perdent pas non plus, mais ils perdent leur direction. C’est la réflexion diffuse. C’est aussi ce qui se passe généralement quand une molécule de gaz heurte une surface. Les irrégularités de la surface renvoient la molécule dans n’importe quelle direction. Conséquemment, s’il y a du vent sur la surface, la composante directionnelle se perd après chaque choc. Bref, les irrégularités du sol freinent le vent. C’est la raison pour laquelle l’écoulement d’un gaz est freiné dans un tuyau. Ce ne serait pas le cas si la surface était parfaitement plate et si l’interaction était spéculaire.

Le présent travail réalise cette situation en construisant des canaux dont la surface est atomiquement plate et sans défaut. Dans un tel système, la petite pression induisant le courant de gaz (à basse pression pour ces expériences) reste constante, quelle que soit la longueur du canal. Il y a conduction sans perte.

… Pas toujours. Les auteurs étudient différentes surfaces et différents gaz. Par exemple, sur telle surface, l’hydrogène H2 passe sans résistance, mais le deutérium D2 ne passe pas alors que, les deux molécules sont chimiquement presque identiques ; non, D2 est plus lourd, sa longueur d’onde de Broglie est donc plus petite. Alors que H2 voit une surface lisse, D2 la voit irrégulière ; elle a l’œil plus fin.

Le sujet du glissement  sur une surface, lubrifiant et autre modifiants d’écoulement m’intéresse, car, un jour peut-être, on saura couper de l’eau vitreuse sans frottement et donc sans déformation. Ce sera la gloire de CEMOVIS (cryo electron microscopy of vitreous sections).

Commentaire: Duan, C. (2018). Frictionless when flat. Nature, 558 -9, 379 -380.

Article: Keerthi, A., Geim, A. K., Janardanan, A., Rooney, A. P., Esfandiar, A., Hu, S., . . . Radha, B. (2018). Ballistic molecular transport through two-dimensional channels. Nature, 558(7710), 420-424. doi:https://doi.org/10.1038/s41586-018-0203-2

 

28.06.18. Nature 558, 7711

  • – 9. MATH, SYSTÈMES COMPLEXES, SCIENCE DES RÉSEAUX.

Vespignani, A. Le point sur 20 ans d’une nouvelle science.

Pour se nourrir, le requin a une recette (j’aime le mot euristique.) Pendant un moment, il mange tout ce qui passe à sa portée puis, il part ailleurs jusqu’a ce qu’il trouve un bon coin où il recommence à s’en prendre aux proches voisins, etc.

Autre exemple : l’analyse de la communication par le web montre qu’il suffit de 6 clics pour connecter n’importe quel internaute avec n’importe quel autre. C’est peu.

En 1998, Watts et Trogatz publièrent un article séminal qui formalise ce type de relations. La figure illustre leur idée. On part d’un réseau où chaque point est connecté à 6 voisins (a). On voit que pour connecter deux points quelconques, il faut un nombre de sauts proportionnel à la distance. Ça peut être beaucoup. Les auteurs introduisent aussi des connexions entre points éloignés (rouge en b). Ils définissent la connectivité p comme la probabilité que deux points soient connectés.  Pour l’ensemble du réseau 0<p≤1. Lorsque p>0, il se forme typiquement une structure de patches ± séparés. En anglais on utilise l’adjectif cliquish « qui forme des cliques, sectaire ».

Depuis, la bonne idée de ces deux auteurs, le « small-world network », s’est développée en un instrument puissamment euristique (oui, j’aime le mot, mais cette fois, dans un autre sens : qui favorise la découverte.) Il éclaire le fonctionnement du web, la diffusion des idées, le développement d’une épidémie, le fonctionnement du cerveau., etc. Il met en évidence des situations de transition de phases quand, tout à coup, un petit changement induit un revirement total de la structure. Le phénomène de percolation expliqué en quelques détails dans « Parcours » en est une illustration typique.

Je rêve qu’une telle transition puisse expliquer comment il se fait que l’eau amorphe puisse exister sous deux formes dont on comprend mal la relation quoique l’une m’ait valu un prix Nobel.

Je rêve aussi que, tout à coup, chaque citoyen du monde se transforme en écolo convaincu et que Trump soit fichu dehors, tsac-tsac, terminé bâché !

En attendant, j’ai l’intention d’approfondir ma compréhension du « small world network ».

Vespignani, A. (2018). Twenty years of network science. Nature, 558(7711), 528-529. doi:10.1038/d41586-018-05444-y

Watts, D. J., & Strogatz, S. H. (1998). “The small world network

model ». Nature, 393, 440 – 442.

 

564 – 8. ASTROCHIMIE, ENCELADUS, EXOBIOLOGIE.

Le mois passé (Nature 557, 7706, 470), nous rapportions que le satellite de Jupiter Europa éjecte des geysers de particules comme le fait le satellite de Saturne Encéladus. Ici, on revient à Encéladus et aux analyses, maintenant bien plus avancées, des données de la sonde Cassini. La vision suivante en résulte.

La carapace de glace qui entoure l’océan d’eau liquide dans la profondeur du satellite a des fissures par lesquelles remontent des cheminées d’eau que l’énergie de marées maintient dans l’état liquide. Dans ces cheminées montent des bulles qui viennent crever à la surface en produisant un aérosol de microparticules semblables aux embruns du bord de mer. Il en résulte des geysers dont certains sont observables par les télescopes terrestres. La surface de la bulle est couverte de tout ce que la bulle croise comme sels ou molécules hydrophobes durant sa montée. On retrouve tout cela dans la plume du geyser.

La sonde Cassini est équipée pour analyser ces microparticules lorsqu’elle se fracasse sur une plaque métallique en émettant des cations moléculaires qui sont redirigés vers un spectromètre à mesure du temps de vol. La figure (Fig. 1) montre la quantité de matière détectée en fonction du temps de vol, c’est à dire, du poids moléculaire.

Ce qui saute aux yeux, c’est la quantité d’information d’un tel spectre et la richesse des composants. On observe par exemple, à gauche du spectre, s’additionnant à la masse de matériel non résolu, une série de pics espacés d’environ 13 Daltons que les auteurs interprètent comme une série de 7 – 15 C non saturés – juste ce qu’il faut pour produire micelles et membranes. D’autres données mettent en évidence différents composés aromatiques et leur probable connexion chimique.

Les auteurs ne parlent que de chimie organique, mais, comment éviter de penser en termes de soupe biologique ?

Postberg, F., Khawaja, N., Abel, B., Choblet, G., Glein, C. R., Gudipati, M. S., . . . Waite, J. H. (2018). Macromolecular organic compounds from the depths of Enceladus. Nature, 558(7711), 564-568. doi:10.1038/s41586-018-0246-4

 

Mai 2018, l’actualité scientifique de Jacques

Suite de la reprise douce en mai 2018

03.05.18. Nature 557, 7703

5, VIVRE ENSEMBLE, DONNÉES PERSONNELLES, PRIVACITÉ. Connexion familiale. Editorial.

Entre parents on se ressemble génétiquement ; 100% pour les jumeaux vrais, 50% pour les frères et sœurs, 25% pour les cousins germains, etc. Malgré la dilution il reste quelque chose même pour des parents très éloignés ou à l’intérieur de groupes ethniques diversifiés. Disposant d’un texte de 3 milliards de lettre pour chaque individu, on comprend qu’il soit possible de retrouver des correspondances même entre individus séparés depuis longtemps.  Ainsi, sur la base des données génétiques d’un très grand nombre de personnes de tous lieux et toutes ethnies, les sites de généalogie offrent d’identifier vos origines. Par exemple, il sera déterminé que vous êtes 60% vaudois, 15% Berbère, 10% Bâlois, 10% Bouthanais, 3% néandertalien, et 2% dénisovan. Les gens adorent ça et on dit que de connaitre sa propre diversité génétique aide à surmonter les préjugés racistes. Bravo !

Autre histoire : Aux États-Unis, le tueur du Golden State – 50 viols, 12 meurtres dans les années 70 – 80 – n’avait jamais été retrouvé.  On avait bien son ADN – c’est normal pour un violeur – mais on ne savait pas à qui il appartenait. Dommage !

Alors voilà, la police est allée chercher dans les bases de données des firmes de généalogie pour voir si, quelque part, on trouvait une relation avec l’ADN du tueur. Lui-même n’y était pas, mais on a retrouvé des parents plus ou moins éloignés, suffisant pour identifier l’individu. Ouf. Justice sera faite !

Oui, mais, ceux qui ont donné leur ADN pour connaitre leur généalogie n’ont pas donné leur consentement pour que leurs données personnelles soient utilisées à d’autres fins. Dans ce cas, ils auraient peut-être été d’accord, mais la pente est glissante.

La démarche est-elle éthiquement acceptable ? Pour moi, le mot éthique signifie choix entre deux intérêts contradictoires. Trouver l’assassin : je suis pour ; exploiter mes données personnelles sans mon consentement ; je suis contre. Comment évaluer leur poids respectif?

Je citais dans Parcours le cas du caca sur le gazon de la firme et des 2 millions de dédommagements reçu par le suspect à qui on n’avait pas demandé la permission d’analyser son ADN. Deux-millions, c’est un bon prix pour la privacité. Qu’en est-il des clients de la firme de généalogie ? … et des 40 millions de Facebookistes utilisée par Cambridge Analitica ?

 

10.5.18. Nature 557, 7704.

  1. VIVRE ENSEMBLE, HARCERLLEMENT, GENRE.

Editorial. Harcèlement dans les universités chinoises.

1998, une étudiant à l’université à Beijing dénonce son professeur harceleur et violeur. Personne ne la soutient ; peu après elle se suicide. Affaire vue.

Pas tout à fait. 2018 arrive #MeToo. Le professeur vient d’être vidé.

La vague semble couvrir la Chine aussi. Pourtant, les traditions solidement établies ne manquent pas de se cabrer. Conclusion de l’article : « Maintenant, il n’est plus temps pour les universités – en Chine comme ailleurs – de se comporter en objets immuables. »

 

S9-12 : NEUROBIOLOGIE, CONSCIENCE, PHILOSOPHIE

En complément de quelques jours de philosophie avec Beat Michel, Michel Henry, Husserl et Kant. Qu’est-ce que la conscience.

Le philosophe Michel Henry (1992) cher à Beat  tient à l’idée qu’il y a une différence radicale entre savoir de la vie et le savoir de la science. Ainsi je sais que je suis, je sais ce qu’être veut dire, mais, selon lui, ce savoir est irréductible à celui de la science. Qu’est-ce que la conscience ? Selon ces vues, il s’agit d’une question que la science ne peut pas aborder. Dennet s’approche de la même idée en voulant que la conscience soit une illusion. Selon moi, ce genre de pensées relèvent d’un dualisme corps/esprit mal digéré.

Venons-en maintenant au présent article par C. Koch, C. What is Consciousness? Pour plus  de détails, voir Koch, C. (2012).

L’étude neurobiologique de la conscience est le sujet auquel Francis Crick (codécouvreur de la structure de l’ADN) a consacré la 2epartie de sa vie. Koch était avec lui.

On peut constater que l’état de conscience est celui que je vis lorsque, en marchant, je me demande où il faut que je pose le pied parce qu’il y a un problème avec la configuration du terrain. Normalement, il n’y a pas de problème, je n’ai pas conscience que mon corps organise ma marche. Idem, avec la position du corps, l’écriture, ou les mille gestes et considérations qui sont, ce que l’on appelle, inconsciente. Que se passe-t-il dans mon cerveau quand  je suis « conscient » de ce qu’il se passe ? Quel est le corrélat neuronal de la conscience, NCC ?
Autre question : se peut-il que la personne dans le coma soit consciente, mais qu’il lui manque les moyens de le faire savoir ? Les personnes de son entourage ne manquent pas de se poser la question.

La neurobiologie se la pose aussi.

1ere remarque : la fonction du cervelet est typiquement inconsciente. (Le cervelet s’occupe de l’équilibre, la marche, etc., toutes ces fonctions du corps qui se font beaucoup mieux quand on n’y pense pas que si on essaie de les contrôler consciemment). C’est vrai, j’ai bien plus de peine à me tenir sur un pied quand je m’y efforce que quand je n’y pense pas.

  1. Le corrélat neuronal de la conscience est localisé dans une relativement large partie de l’arrière du cerveau autour des lobes pariétal, temporal et occipital.
  2. La complexité de la réponse cérébrale –indice d’excitation du cerveau déterminée par RMN ou autre mesure électromagnétique (les spécialistes l’appellent F)- diminue avec la conscience.

On peut imaginer que l’état de conscience est une focalisation de l’activité cérébrale sur une tâche particulière évaluée comme importante et nécessitant un investissement renforcé.

Actuellement, deux hypothèses se confrontent.

GNW – Global Network Workspace – de Bernard J. Baars, Stanislas Dehaene et Jean-Pierre Changeux. L’idée est qu’il existe une procédure cérébrale particulière qui est capable de prendre en charge l’ensemble des informations sensorielles du moment pour les traiter spécifiquement dans le cadre d’une tâche particulière. Ainsi, la conscience doit être activée spécifiquement selon un programme différent de la marche de base du cerveau. Si tel est le cas, on peut imaginer qu’on pourra comprendre ce processus particulier et peut-être l’intégrer dans un « biology inspired computer ».

L’autre hypothèse, ITT pour Integrated Information Theory, est celle que je préfère. Elle est soutenue par Crick, Koch et autres.  L’idée est que chaque expérience est unique parce qu’elle se marque dans un corps unique par ses conditions ontologiques et son histoire. Chaque expérience est une intégration avec tout le reste. La conscience est la conséquence de la représentation de soi dans un système historique, complexe. Il me semble que la définition de la conscience que je donne dans mon livre est exactement cela (p. 25 – 26).

Henry, M. (1992) Savoir de la science, savoir de la vie: la question de la praxis. In C. d. Cerisy (Ed.), Praxis et Cognition(pp. 281 – 291). F – 69760 Limonest: L’interdisciplinaire.

Koch, C. (2012). Consciousness. Confessions of a romantic reductionist. Cambridge (Ma): The MIT Press.

 

24.5.18. Nature 557, 7706

470 –VIE EXTRATERRESTRE, ASTROBIOLOGIE, ENCÉLADUS, EUROPA.

Research highlights. L’océan des profondeurs d’Europa envoie des geysers en surface.  On le savait, l’océan liquide sous la surface gelée du satellite de Saturne Encéladus à des fuites qui remontent jusqu’à la surface. L’analyse des données de la sonde Galileo et des observations directes par le télescope spatial Hubble prouve que les geysers connus depuis longtemps sur Europa, un satellite de Jupiter, ont une origine semblable. C’est une bonne nouvelle, car Jupiter est moins loin que Saturne. Et alors ?

 

Alors voici : parlons de vie extraterrestre.

En 1995, Michel Mayor et Didier Queloz découvrent qu’une planète tourne autour de  l’étoile 51 Pegasi, à 50 années-lumière de chez nous. C’est le début de la chasse aux exoplanètes. La récolte dépasse toutes les attentes. Aux dernières nouvelles on en a plus de 4000. Ça devient ennuyeux.

Non point, parce que maintenant, on cherche mieux : la vie sur ces planètes. Comment s’y prend-on ? Peut-être que, avec un très très gros télescope on arrivera à distinguer une très très grosse bête gambadant là-bas. Peu prometteur ! Non, l’espoir du moment est de trouver une planète de dimension et de température convenable dont l’atmosphère serait riche en oxygène. En effet, l’oxygène est un atome très réactif ; très vite il se fixe à n’importe quoi. Pour en trouver une quantité substantielle dans l’atmosphère, il faut qu’un processus soit en train d’en libérer une grande quantité. Chez nous ce processus s’appelle la vie. On ne voit guère quelle chimie non vivante pourrait avoir le même effet. Le jour où on aura identifié une planète avec beaucoup d’oxygène, nous aurons fait un grand pas.

Ensuite, on continuera la spectroscopie, de plus en plus fine. On détectera la présence d’eau, on verra peut-être le signal qui, sur terre, correspondrait à la chlorophylle et on comprendra, un peu, comment, là-bas, l’énergie récoltée est transformée en énergie chimique. Très bien, mais maigre tout de même. Le Graal de cette recherche consisterait évidemment à y aller voir. Ça, il faut l’oublier, et pour longtemps. La plus proche des étoiles et à plus de 3 années -lumière. Pour aller y recueillir un échantillon, il faudra inventer une fusée que l’on n’imagine pas et nous armer d’une patience qui, certainement, ne concerne ni moi ni mes enfants. Zut, la vie extrasolaire n’est pas très attirante.

Ou bien alors, si.

Si l’on regardait par chez nous. Encéladus est un satellite de Saturne avec, selon toute vraisemblance, un océan d’eau liquide salée sous une coque de centaines de kilomètres de glace. Pourquoi aller chercher l’eau liquide plus loin ? Elle est là. Mieux, la coque est crevassée et de ces fentes sort le liquide qui vient du fond, gicle en geysers et se dépose. S’il y a de la vie dans cet océan sous-glaciaire, ces éruptions que nous montrent les sondes sont en fait de la soupe biologique excrétée et venant geler en surface. Une mission est en préparation pour aller en chercher un échantillon. Un bon sujet pour la cryomicroscopie électronique. Quelle sera la forme prise par les cellules de cette vie ; quel sera l’ADN local ou ce qui en tiendra lieu ? Le retour est espéré pour 2030. J’ai quelque chance d’être là.

 

549 – 553. Article. ÉCONOMIE, ÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, COUT.

Cout de l’échauffement climatique.

En 2006, le rapport de l’anglais Stern avait fait grande impression en essayant de chiffrer le cout de l’échauffement climatique. À peu près le même exercice est refait ici. Les conclusions sont plus sévères. Différents scénarios sont considérés. 1.5° à la fin du siècle selon l’espoir optimiste de la COP21 ; 2° selon le but plus réaliste fixé ; 2,3 – 3° selon les engagements actuellement pris ; 4° vu la façon dont les engagements sont tenus. Comme il se doit, les résultats sont probabilistiques. Par exemple : 90% de la population mondiale à 75% de chance de perdre plus à 2° qu’à 1.5° ; la perte sera plus grande dans les pays pauvres. En tout, c’est 20 trillions de $ (1012) que l’on économise à 1.5° par rapport à 2°.

Finlande et Mongolie pourraient gagner au réchauffement, Canada et Sibérie aussi, mais moins. L’Europe centrale ne s’en sort pas bien mal. Le reste du monde souffre. Globalement, c’est 20% de perte du PIB pour le réchauffement attendu avec les engagements pris à Paris ; 30% en poursuivant le plus petit effort actuel.

Stern, N. (2007). The Economics of Climate Change: The Stern Review: Cambridge University Press.

Burke, M., Davis, W. M., & Diffenbaugh, N. S. (2018). Large potential reduction in economic damages under UN mitigation targets. Nature, 557(7706), 549-553. doi:10.1038/s41586-018-0071-9

 

31.5.18. Nature 557, 7707.

  1. ADDICTION, SOCIOLOGY, PSYCHOLOGY, VIVRE ENSEMBLE.

Section : Highlight. Dire merci n’est pas commun. Il s’agit d’une enquête internationale faite dans le cadre d’une institution de lutte contre les addictions. C’est l’analyse de plus de 1000 situations dans lesquelles une personne demande un service à une autre et obtient une réponse positive. L’observation surprenante, c’est que rares sont ceux qui remercient (5.5%).

L’explication donnée est que le don est une notion peu commune. C’est l’échange qui prévaut. Si tu me donnes quelque chose, c’est qu’il est entendu que moi je te le rendrai, même si la dette est comptée dans un espace flou et impersonnel.

Bizarre, mais voici qui explique bien des choses quant à la rudesse des relations hormis dans notre petite société bien polie de Morges et environ.

Voici qui donne aussi du relief à ceux qui trouvent détestable de remercier la voiture qui laisse la place au piéton sur son passage jaune.

http://www.bentham.org/open/tosscij/, issue 5, 180391

 

626 – 8. POLITIQUE, DÉVELOPPEMENT, PAUVRETÉ, RBI, BIEN. Section : Feature. L’expérience antipauvreté. Le point sur le Revenu de Base Inconditionnel, RBI, UBI : Universal Basic Income. BIEN : Basic Income Earth Network

Le 5 juin 2016, le peuple suisse refusait l’initiative pour le revenu de base inconditionnel . C’était trop tôt, surtout trop soudain, mais ce n’est pas fini. Le présent article fait le point sur les différentes initiatives dans ce sens qui ont lieu dans le monde. Nulle part ailleurs qu’en Suisse il a été question de faire virer tout un pays. Par contre, il s’agit de faire des expériences. Ce sont, pour la plupart, de vraies recherches scientifiques qui apportent leur large moisson d’expériences indispensables avant d’étendre l’expérience. C’est la bonne façon d’avancer. Le tableau fait le point sur les différentes initiatives récentes ou en cours. La difficulté politique de mettre en œuvre ces recherches est à souligner ; les opposants sont farouches. Ainsi, l’étude Mincome au Canada a été arrêtée avant que les résultats ne puissent être analysés. En suspend pendant des années, une sociologue de l’université de Winnipeg y est revenue et a pu constater la valeur de l‘expérience : une année scolaire en plus, forte diminution des hospitalisations, etc.

 

651 – 9. ENVIRONNEMENT, EAU, CHANGEMENT CLIMATIQUE.

Comment varie la disponibilité en eau fraiche dans le monde ?Le satellite GRACE mesure les variations de la gravité terrestre. Sur cette base l’article rapporte comment a varié la quantité d’eau dans le sol et le sous-sol de 2002 à 2016 avec une résolution de 300 – 500km. La figure résume le résultat. Notons que si la plupart des variations indiquent des tendances à long terme, certaines sont dues à des épisodes particuliers ou à des modifications artificielles (les grands barrages du sud de la Chine).

Rodell, M., Famiglietti, J. S., Wiese, D. N., Reager, J. T., Beaudoing, H. K., Landerer, F. W., & Lo, M. H. (2018). Emerging trends in global freshwater availability. Nature, 557(7707), 651-659. doi:10.1038/s41586-018-0123-1

 

 

Avril 2018, l’actualité scientifique de Jacques; suite minimale.

01.04.18. National Geographic.

VIVRE ENSEMBLE, RACE, ÉVOLUTION HUMAINE.

Un numéro spécial : Black and White. Le racisme et les races.Bien !
Le racisme, c’est la ségrégation en termes de valeurs plutôt que de traits (de propriétés.) Pour le rejeter, une voie consiste à dire qu’il n’y a pas de différences entre les groupes humains. La démarche est bienveillante, mais, pour une part, elle nie l’évidence. Le présent numéro prend une position courageuse. Il rejette fermement le racisme des valeurs tout en regardant en face l’origine et les effets de la différence – (il utilise le mot « tweak »).

J’avais pensé introduire cette problématique dans la 3epartie de mon bouquin (avec les questions du climat et des nouvelles technologies génétiques.) Devant la difficulté du thème et le manque de temps, j’y avais renoncé. Bravo National Geographic !

29 – 41. Skin deep par Elizabeth Kolbert. Explique l’origine raciste de la notion de race, souvent reprise ± scientifiquement. L’histoire de Samuel Morton qui a mesuré le volume d’un grand nombre de crânes pour évaluer la « valeur » d’une « race » étant bien entendu que chacune est le fait d’une création particulière par Dieu en est une bonne illustration. Mais l’article ne fait pas l’impasse sur les différences et le fait que celles-ci ont des bases adaptatives. Il décrit la diversité africaine et le grand voyage du (des) petits groupes qui se sont répandus dans le monde et des transformations qui en ont suivi. Il finit avec ces phrases. “The race is a human construction but it doesn’t mean that we don’t fall into different groups or there’s no variation. […] But if we make racial categories up, maybe we can make new categories that function better”.

Vaste programme qu’il faudra continuer d’élaborer, avec prudence.

05.04.18. Nature 556, 7699

7, DONNÉES PERSONNELLES, BIEN COMMUN, JOHN SULSTON. Editorial. Hetan Shah. Use of personal data for the common good.

“Media companies must do more than say sorry and vowed to improve protection… Must make sure that data collected are used for the common social good.” (Les firmes du « Big data » doivent faire plus que dire pardon et promettre de faire mieux… Elles doivent assurer que les données qu’elles recueillent sont utilisées pour le bien de tous.) Il va falloir une révolution.

John Sulston est mort le 29.3.18. Il était un ardent défenseur de la connaissance considérée comme un bien public.

C’est lui qui, avec Sidney Brenner, avait fait de C. elegans le modèle qui leur a valu le prix Nobel de médecine en 2002 pour leurs travaux sur la régulation génétique du développement des organes et qui continue à tant servir la biologie.

Dès 1992, toujours à Cambridge, il dirige ce qui deviendra le Sanger Institute où sont développées les méthodes de séquençage de l’ADN. En 1998, il résiste avec Francis Collins à la tentative de mainmise de Craig Venter sur ce savoir. Il en résulte, en 2004, la fameuse publication de la séquence de l’ADN humain.

Après quoi, il s’implique dans les questions de science et de société. Il lutte pour l’accès libre aux publications.

Mars 2018, reprise douce de l’actualité scientifique de Jacques

Vu les évènements récents, nous n’insistons plus sur la cryo-me. Nous y reviendrons seulement quand il y aura quelque chose de vraiment spécial, par exemple quand on aura trouvé comment empêcher la formation des filaments de la maladie d’Alzheimer.

15.03.18. Nature 555, 7696

303 – 305. CLIMAT, ÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, GLACIERS, ANTARCTIQUE, ARCTIQUE, GEOINGÉNIEURIE

Géoingénieurie des glaciers polaires pour ralentir la montée des océans.

J’ai dit précédemment mes réticences face à l’idée du géoingénieurie – c’est-à-dire les actions destinées à contrer les causes ou les effets de l’échauffement climatique. On a parlé de capter le CO2 de l’air ou d’engraisser les océans avec du fer. Ici il s’agit d’empêcher les glaciers du Groenland ou de l’Antarctique de se déverser rapidement dans la mer. Les méthodes sont brutales : (i) faire un barrage sous-marin pour empêcher l’arrivée du courant chaud venant de l’océan. On parle d’un km3 à mettre en place (100 fois la Grande Dixence; (ii) placer des pylônes à l’avant du glacier pour bloquer son avance; (iii) pomper l’eau qui s’infiltre sous le soc glaciaire afin d’éviter son effet lubrifiant sur l’avance des glaces.

Tout cela, non pas pour réduire l’échauffement climatique, seulement pour freiner un peu la contribution de quelques glaciers à l’augmentation du niveau de la mer.

Pour un marteau, tout n’est que clou ; pour un glaciologue ingénieur, un glacier est forcément un lieu d’intervention. J’ai l’impression que les propositions présentées ici doivent être interprétées dans le cadre de ce biais, à moins qu’il ne s’agisse d’occuper un terrain financièrement prometteur. Quant à la lutte contre l’échauffement climatique, elle n’y trouve pas son compte.

 

359 – 62. BIOLOGIE, SOCIOBIOLOGIE, VIVRE ENSEMBLE,

Altruism in a volatile world. Altruisme dans un monde volatile.

Comment l’altruisme peut-il exister puisque par définition, l’altruiste se défavorise pour favoriser un autre. À la longue, le désavantage induit devrait conduire à la disparition du trait. Darwin s’était étonné de l’observer si fréquemment. Cent-cinquante ans plus tard, on en sait beaucoup plus ; l’altruisme est de l’égoïsme malin ; il diffère de l’égoïsme classique par le fait que l’avantage recherché n’est pas direct, il est plus subtil ou bien il faut être patient. Ainsi, au niveau des gènes, une action qui apporte le bénéfice b à B pour le coûte c à l’altruiste A sera favorable à la fitness de A si b.r>c. C’est la règle de Hamilton. Par exemple, sachant que mon frère porte la moitié de mes gènes, je gagne à lui aider si l’avantage qu’il en tire est au moins deux fois plus grand que mon désavantage. C’est simple – en principe.

En pratique, c’est compliqué. Un peu moins quand on peut se rapporter à la notion de fitness qui mesure le nombre de descendants ; pour gagner, il suffit alors de croître et de multiplier plus vite que les autres. Reste alors à quantifier ce qui favorise croissance et multiplication.

Le présent article étudie le cas d’un milieu volatile ; la survie des descendants dépend fortement de paramètres aléatoires extérieurs. Coup de froid sur la couvée, ou passage de la corneille vorace et d’un coup, c’est une génération de fichue ; l’année suivante, il y aura peut-être une pléthore étonnante. Il existe un théorème mathématique qui dit que, à production égale, c’est la production constante qui est la plus efficace. (Exemple : pour aller de A à B en vélo, différents chemins sont possibles. Je choisis de commencer par une longue descente douce pendant laquelle je vais très vite et de finir par une montée raide, mais courte. Séraphin lui, préfère commencer par une courte montée pour mieux que se rattraper durant la longue descente qui le mène au but.  Aloïs choisit la route horizontale. Qui va gagner. C’est Aloïs, c’est mathématique. Toute forme de sursaut en plus ou en moins est, globalement, défavorable. La suite, c’est l’équation de Hamilton mis à la sauce de la statistique des variations aléatoires du succès reproducteur. La belle équation de Hamilton s’enrichit. Aujourd’hui, c’est toujours comme cela, la statistique des biologistes me dépasse – peut-être pas par les concepts, mais par la forme dans lesquels ils sont exprimés. En tout cas, c’est ce que je me dis pour me consoler.

Il apparait alors que des formes de collaborations inductibles permettent de mitiger l’effet des variations aléatoires. L’avantage peut être considérable ; l’article modélise différentes situations et précise les paramètres principaux. Exemple parlant pour saisir le principe : chez les petits oiseaux nicheurs, la collaboration du couple peut assurer que la nichée est constamment gardée et qu’une nichée riche est mieux amenée à maturité grâce à une plus grande quantité de nourriture apportée au nid.

J’apprends toutefois que mon voisin Laurent Lehmann a publié il y a 3 ans, un article très semblable. Les auteurs du présent article le citent correctement, mais on peut quand même se demander si l’article ne devait pas plutôt entrer dans la catégorie : réplication.

Kennedy, P., Higginson, A. D., Radford, A. N., & Sumner, S. (2018). Altruism in a volatile world. Nature, 555(7696), 359-362. doi:10.1038/nature25965

Lehmann, L., & Rousset, F. (2014). The genetical theory of social behaviour. Phil. trans. R. Soc. B, 369(31.3.).

 

29.03.18. Nature 555, 7698

– 29. ÉTHIQUE, BIG DATA, PRIVACITÉ, VIVRE ENSEMBLE.

Éditorial. Digital trust.

Une citation du directeur de Cambridge Analytica: “All researches have a duty to consider the ethics of their work beyond the strict limits of law… “ (Chaque chercheur se doit de considérer l’éthique au-delà de la stricte limite de la loi).