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Dans Nature en novembre 2016; lectures de Jacques

Ce mois, je vous conseille en particulier
– le 1er et 3 nov.: intéressantes contributions concernant l’origine et la structure du langage. Chomsky non – Chomsky oui.
– le 3 encore: l’étonnante découverte lausannoise d’un gène qui raconte son histoire même quand il ne devrait pas.
– le 24: encore un peu plus sur le mécanisme sophistiqué de réparation de l’ADN.
– et puis, on line, la lamentable décomposition d’un effort qui fut prometteur pour dynamiser la politique scientifique européenne. C’est triste.
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Science – actualité, avril 2015

01.04.05. Scientific American.

– 11 – 12. NEUROBIOLOGIE, BIOLOGIE MOLÉCULAIRE. Laurée. R. Jacobson. The persistence of memory. On explique généralement la mémoire à court terme (mémoire de travail, le No. de téléphone que l’on compose à partir de l’annuaire) par l’activité électrique du cerveau. Elle est inscrite dans les trains de décharges coordonnées qu’envoient les neurones. Cette activité contribue à la formation ou la destruction de synapses modifiant petit à petit le réseau neuronal qui forme le substrat de la mémoire à long terme. La périodes intermédiaires (minute à heure) est mystérieuse; on se rend compte qu’il faudrait quelque chose pour la porter mais on ne sait pas quoi. Le présent article rapporte une remarquable expérience. Activé par une exposition prolongée à de petites décharges électriques, le cerveau d’Aplysia (une espèce de limace) exprime de nouvelles synapses qui rendent ces neurones réactifs aux décharges. Les neurones sont alors isolées et mis en culture. Après quelques jours, ces neurones établissent un nouveau réseau de connections synaptiques qui, c’est normal, n’a plus la mémoire de l’histoire passée. Pourtant, surprise, surprise, deux jours après la stimulation qui ne donnait rien initialement, le réseau synaptique retrouve sa réactivité face à la stimulation électrique. Le réseau synaptique est détruit mais la mémoire revient doucement lorsue revient le stimuli innitial. Il faut croire qu’elle se cache ailleurs. Dans les gènes imagines l’auteur D. Glazman d’UCLA, proposant ainsi un beau chapitre à creuser pour les épigénéticiens. Personnellement, je rêve depuis longtemps que des protéines de type prions puissent porter la mémoire chimique intermédiaire. L’idée est la suivante. Nous voulons un système du genre flip-flop qui flip sous l’effet d’un signal (ce pourrait être la décharge de la synapse) et qui revienne tranquillement à l’était initial par un flop au bout de quelques minutes ou quelques heures. Le problème est que, au niveau moléculaires, la thermodynamiques favorise un flip-flop rapide (à cette échelle, la micro-seconde est longue). Les molécules qui flippent durablement le font généralement de manière irréversible. Elles ne nous intéressent pas. En biologie, les cycles à longue constante de temps existent pourtant. On pense à l’effet d’un gène ou la polymérisation-dépolymérisation des µ-tubules. Toutefois ces systèmes sont lents parce qu’ils sont extrêmement complexes alors que nous aimerions un système simple et peu couteux. Le prion pathologique est une des rares molécule simple qui fasse son flip après une très longue attente. Se peut-il que le prion non pathologique – dont on ne connait toujours pas la fonction – puisse faire flop dans les synapses quelques minutes ou quelques heures après le flip induit par le message électrique? Ceci est une élucubration gratuite.

– 47 – 51. PSYCHOLOGIE, NEUROBIOLOGIE. R.F. Baumeister, Conquer yourself, conquer the world. Anecdotes: (i) jeune adulte, j’avais reçu de Michèle un minuscule bouquin, « la volonté » qui prônait de la développer par des exercices. Il m’a été important est l’est encore. De là j’ai mes habitudes – limitées – de relaxation et de contrôle de soi. (ii) Lors d’une récente rencontre conflictuelle, j’avais vaillamment lutté lors de la première altercation. Lorsqu’est venue la 2e , qui était d’ailleurs aussi prévisible que la première, je n’ai pas bougé, comme si, ayant déjà donné, j’étais dispensé de me mobiliser à nouveau.

Depuis des décennies, la psychologie valorise l’estime de soi comme base à la bonne vie. Il semblerait que la psychologie expérimentale, la neurobiologie et l’étude de l’addiction sont en passe de faire du contrôle de soi la nouvelle panacée. Le contrôle de soi, c’est la capacité à réguler ses impulsions et ses désirs. Celui qui en est richement équipé à tous les avantages dans la vie. Il est meilleur à l’école, a un meilleur job, gagne plus, est mieux apprécié de ses proches et est un meilleur amant. On le met moins en prison, il sombre plus rarement dans des addictions et aura moins de grossesses non désirées. Le contrôle de soi semble être pour l’individu ce que le facteur Gini est pour la société. Son héritabilité est notoire, mais surtout, il s’éduque et les méthodes pour le faire fonctionnent assez bien. C’est l’anecdote (i). Les ressources en contrôle de soi dont chacun dispose à un moment sont limitées. Comme le représente l’analogie hydraulique, sa consommation à un moment donné, rend le moment suivant vide. C’est l’anecdote (ii). En général, parce que nous avons le temps de récupérer d’une tentation à l’autre, notre contrôle de soi fonctionne à peu près. Le drame de l’addiction n’est pas que ceux qui en souffrent sont particulièrement peu capables de contrôle de soi, mais que leur mal ne leur laisse aucun répit. Une fois en manque, le besoin de cigarette ne lâche plus. Le malade cèdera à la première basse de son tonus de contrôle de soi. La revalorisation de la volonté et de sa culture ne me déplait pas. Est-ce un courant de fond evidence based, ou n’est-ce que le biais politiquement motivé de ce chercheur de Floride. Nous serons vigilants. Le 15.4.15, j’ai appris que le groupe de Ernst Fehr (neuroéconomie, Zürich) poursuit en milieu scolaire une recherche destinée à tester ces idées dans le cadre d’une étude comparative prévue sur de nombreuses années

02.04.15. Nature 520

– 18, online 14299. CRISPR, ÉTIQUE, GÉNIE GÉNÉTIQUE. Urs, Laurée, Manu. H.Ledford rapporte: Mini enzyme to complement CRISPR. Depuis quelque temps, il n’y a pas de mois que je ne vous parle des perowskites qui sont en passe de changer la donne de l’énergie solaire. Lent, lent, tout cela comparé à CRISPR qui est en passe de révolutionner le génie génétique. C’est presque toutes les semaines qu’il en est question sur mon blog. Il s’agit donc d’une technologie dérivée d’un système de défense des bactéries contre les virus. La rumeur veut que l’article décrivant la première correction d’un défaut génétique chez un embryon humain va sortir incessamment. Pas en Suisse ni dans un des 60 autres états civilisés qui interdisent ce genre de manipulation. Ce qui serait autorisé chez nous et qui attire fort les biotechnologues et les médecins, c’est la correction ciblée de cellules somatiques défectueuses. Par exemple, on aimerait corriger le gène de la dystrophine responsable de la myopathie de Duchenne, cette terrible dégénérescence musculaire qui tue 1 enfant sur 3’500 avant qu’il n’atteigne l’âge adulte. La méthode que l’on vise le plus souvent consisterait à infecter les cellules à corriger avec un virus dans lequel est intégré l’ADN corrigé ainsi que le moyen de le mettre en place. Dans la situation actuelle, cette correction est alléatoire et inefficace. Cas9 et le système CRISPR devraient permettre une intégration parfaite à l’endroit rigoureusement choisi. Le problème est que AAV, le virus utilisé pour cette technique, est trop petit pour transporter la grande protéine Cas9 et l’ARN spécifiant l’emplacement. L’article dont il est question ici rapporte que, en analysant les variants du système CRISPR/Cas9 de nombreuses bactéries, les auteurs en ont trouvé un dont le message sur l’ADN est de 1000 lettres plus court et qui, de ce fait, trouve sa place dans le vecteur AAV. Un détail technique, peut-on penser. Sans doute, mais à mon sens, c’est la première fois que l’on tient une piste vraiment sérieuse (meilleure que le thé vert en tout cas) pour espérer corriger bientôt la myopathie de Duchenne – et bien d’autres maladies génétiques

– 27. CLIMAT, POLITIQUE. D. G. Victor (seul spécialiste de la politique des sciences à l’IPCC). Mettre les sciences sociales dans la politique du climat.

L’image résume. Capture d’écran 2015-04-19 à 09.31.12 

 

C’est l’histoire du type qui a perdu sa clé. D’autres gens sympas viennent lui aider à la chercher sous le lampadaire. Rien! L’un d’eux demande: « Es-tu sûr de l’avoir perdue ici? » « Non, c’est plus loin, mais là-bas il n’y a pas de lumière et les gens râlent. »

Récemment, un proche collègue – et en principe, un ami – m’a offert l’occasion d’une expérience frappante à ce même propos. Il disait: « L’échauffement climatique […] est une esbroufe planétaire, relayée par les médias. » La suite fut peu amène.

C’est aussi la leçon principale que je tire de mes 6 premières années de retraite: les gens communiquent beaucoup plus mal que l’on ne l’imagine. Chacun, engoncé dans son image du monde, incapable de se projeter dans celle de son partenaire, n’écoute pas et n’y comprend rien.

Le présent article constate que l’IPCC (le panel international d’étude sur le climat) émet un aimable ronronnement totalement à côté de la plaque. L’échauffement climatique est une réalité maintenant bien connue; ce qui ne l’est pas, c’est comment notre société doit y faire face. La question n’est plus tant du domaine des sciences de la Terre. Elle est de celui des sciences humaines. Il y a urgence. Pour enfin faire sens, cet automne à Paris, l’IPCC devra s’ouvrir aux sciences sociales et oser aborder les problèmes politiques qu’il a toujours frileusement mis de côté. Ce sont par exemple: (i) qui va payer le cout du changement climatique? (ii) comment distribuer les contributions? (iii) Quels accords internationaux faut-il conclure? (iv) comment répondent les gouvernements et les peuples aux informations sur le climat? (v) vers quels conflits va-t-on, comment les gérer et comment éviter les guerres?

Eh oui, gens des sciences humaines, cessez de vous plaindre de ne pas être pris au sérieux ou de devoir écrire vos «Grants» en anglais. Venez sérieusement travailler aux problèmes vitaux de notre monde que seule pourra résoudre la science la plus large et la plus ouverte. Vos compétences y sont absolument nécessaires.

Autre chapitre et même conclusion: Que faire de CRISPR/Cas9 et de ses acolytes présents et avenir?

03.4.15 Science348, 6230.

– 14 – 15. ÉTHIQUE, GÉNIE GÉNÉTIQUE, SCIENCE ET SOCIÉTÉ. J. Couzin-Frankel. Les mitochondries font débat. Les Anglais autorisent depuis peu la fécondation in vitro (FIV) avec transfert de mitochondrie d’une donneuse (« enfant à 3 parents »). Les conséquences compliquées apparaissent déjà. En voici un exemple. L’ADN est concentré dans le noyau des cellules; en particulier dans l’ovule et le spermatozoïde. Toutes nos cellules contiennent aussi, mais hors du noyau, des mitochondries qui fournissent l’énergie nécessaire à tous les processus cellulaires. Bizarrement, les mitochondries ont aussi un peu d’ADN codant pour quelques-unes de leurs protéines. Les mitochondries de l’ovule passent à l’embryon. Celles du sperme sont rejetées  lors de la fécondation. Comme l’ADN nucléaire, l’ADN mitochondrial peut aussi porter des mutations néfastes. Les maladies qui en résultent sont caractéristiques et ne sont transmises que par la mère. C’est pour permettre à ces femmes d’avoir un enfant sain que les Anglais ont autorisé une nouvelle procédure de FIV. La méthode consiste à prélever un ovule chez une donneuse saine. On remplace le noyau de cet ovule par un noyau prélevé sur un ovule de la mère. On a ainsi un ovule qui contient l’ADN nucléaire de la future mère et les mitochondries de la donneuse. Après quoi, on procède à une FIV normale, par fécondation, implantation chez la mère. À priori, voilà qui est très bien. Pourtant certains sont inquiets. Ils craignent la pente glissante qui peut mener à n’importe quoi, même à ce que nous n’avons pas imaginé. 
Par exemple. Il y a une légende urbaine pseudoscientifique qui prétend que la vitalité d’un individu dépend de la vigueur de l’embryon précoce. De là à penser qu’un boost mitochondrial de l’ovule avant fécondation donnerait du turbo au développement précoce. Michelle Dipp et sa firme OvaScience veulent vendre ce service et prétendent que le rechargement mitochondrial augmente considérablement le taux de succès de la FIV. La firme ne devrait pas avoir de grands problèmes en Angleterre qui a ouvert la voie. Aux USA il y a bagarre, car la FDA (Food and Drug Administration) est censée approuver toutes nouvelles pratiques médicales. Mme Dipp insiste en constatant que la pratique fonctionne, qu’elle est demandée et que si le service ne peut pas être fourni aux USA il sera fourni ailleurs dans de moins bonnes conditions. Allons-y gaiment! …mais pas en Suisse, la loi actuelle ni celle sur laquelle nous aurons à voter le 14 juin ne permettent ce genre d’exercice.  

– 20. EBOLA. On se bat pour les patients! L’épidémie diminue et les patients manquent pour tester médicaments et vaccins qui arrivent enfin sur le terrain. Il faudrait abandonner certains programmes peu prometteurs pour concentrer sur ceux qui le sont le plus. La décision est scientifiquement difficile. Qui peut la prendre? Les seules personnes qui seraient vraiment compétentes sont les médecins qui conduisent les tests, mais ceux-ci sont presque tous liés aux firmes qui veulent valider leur produit pour le vendre. Impossible d’arriver à une décision raisonnable. La triste saga de la gestion de l’épidémie continue.

– 36 – 38. ÉTHIQUE, GÉNIE GÉNÉTIQUE. Baltimore, Berg et 16 autres (dont un Suisse de Zürich, seul non US). Appel à ne pas pratiquer de modifications génétiques sur les cellules germinales humaines avant qu’une discussion générale n’ait eu lieu sur l’opportunité d’une telle action.  L’appel était annoncé (ici aussi). Il est lancé par ceux qui sont à l’origine de la révolution méthodologique actuelle et ceux qui avaient initialisé le moratoire d’Asilomar en 1975 (?) Il est motivé par (i) le développement récent du système CRISPR/Cas9 qui va sans doute faire passer le génie génétique de l’était de laborieux bricolage à celui de méthode mure et efficace aux possibilités illimitées et (ii) l’urgence induite par la rumeur que l’annonce de la première modification génétique d’un embryon est sous presse. (Voir 23.4.15)

–  90. ÉPIGÉNÉTIQUE. Laurée. Ragunathan et al. Hérédité épigénétique ou effet de séquence. Question: les modifications épigénétiques (méthylation, phosphorylation) passent-elles à la génération suivante (i) comme telle ou (ii) par le fait que la séquence spécifique de l’ADN recrute les enzymes induisant la modification à la nouvelle génération? La question n’a pas reçu de réponse claire jusqu’ici, mais cet article montre que, dans le cas de modification liée aux histones (1er niveau d’empaquetage de l’ADN), l’hérédité épigénétique est une vraie hérédité (cas (i)), mais qu’elle ne se maintien guère sur plusieurs générations. Il s’agit bien ici d’hérédité somatique (lors de la division cellulaire) et non pas d’hérédité germinale (de parents à enfants). Pour cette dernière, il faudra revenir.

 

09.04.15. Nature 520, 7546

– 137 . GÉNÉTIQUE, SCIENCE ET SOCIÉTÉ. 23andMe en Angleterre. 23andMe est la firme US qui offre, pour un prix dérisoire, le séquençage du génome de chacun en s’appropriant les droits sur cette information. On en a parlé (voir commentaire du 1.1.2015), c’est épouvantable. L’administration US est intervenue pour interdit à 23&Me son commerce dans la forme actuelle. Le 30 mars, la firme a annoncé que son kit de test était dorénavant disponible dans 600 pharmacies anglaises. Contrôler l’usage de la génétique sera difficile.

– 148 – 150. TECHNIQUE, ÉNERGIE. M. Peplow. Histoire de trous. Stocker un gaz comme le méthane ou l’hydrogène est couteux et lourd. Une méthode prometteuse consiste à l’absorber dans les trous d’un matériau poreux. Pour ce faire, la zéolite, un aluminosilicate, est considérée comme le matériel de choix. Une autre voie semble approcher maturité : fabriquer des cristaux poreux rigoureusement contrôlés en liant des noyaux minéraux avec des molécules organiques (MOF: metalo-organic framework). Actuellement, certains de ces cristaux battent tous les records de rapport surface/volume (on approche l’hectare/gramme). Le procédé est adaptable à l’infini selon la dimension et la nature des pores. BASF en a créé 20’000 potentiellement utilisables pour des fonctions telles que: stockage de gaz, extraction de CO2, séparations de mélanges, catalyse et études structurales. Pour H2, le but de 40g/l visé par le département US de l’énergie pour 2020 n’est pas atteint, mais les chances sont bonnes. Les 2 prochaines années seront décisives.

 

10.4.15. Science 348, 6231.

– 178 – 80. MÉDECINE, ÉTHIQUE. I.G. Cohen et al., la thérapie de remplacement mitochondrial. Voir ci-dessus: Science 348, 14 (2015). Face aux questions médicales et éthiques soulevées par cette nouvelle technique, la GB et les USA procèdent de manière très différente. Il y a leçon à en tirer pour tous. Les auteurs mettent en évidence 4 différences. (i) Les Anglais ont un organisme spécifique et indépendant (HFEA) destiné à rapporter au parlement sur tout ce qui touche à la loi de 1990 sur la fertilisation humaine et l’embryologie. L’interaction avec le Parlement est étroite et la HFEA organise de larges consultations avec le public. Aux USA, c’est le Centre d’évaluation et de recherche biologique de la FDA (Food and Drug Administration) qui est répondant. Ce mélange entre recherche et politique est lourd. (ii) Aux USA, le débat est davantage politisé par des mouvements fondamentalistes de type « prolife ». (iii) Un large débat en diverses modalités a été organisé avec le public anglais. Aux USA, les organes officiels restent très fermés au public. (iv) Les auteurs parlent de « fierté nationale » GB dans ce domaine de la science. L’article conclut qu’ « il reste à voir si la réforme du système US peut se faire sans le faire couler sous l’effet de son poids et des vents politiques ».

 

16.4.15. Nature 520.

– 273. BIOTECHNOLOGIE. Rapport de conférence. L’impression 3-D devient vivante. Il est présenté une oreille de remplacement construite par impression 3-D avec des cellules vivantes dans un échafaudage d’hydrogel se reconstituant en cartilage. Un fil de nanoparticules d’argent servant d’antenne y est intégré. La conférence conclut toutefois que le chemin pour reconstruire des organes de remplacement vivants sera encore long!

– 275 – 6. GENRE, SCIENCE ET SOCIÉTÉ. Rapport sur un article: William & Ceci, PNAS USA, http://dx.doi.org/10.1073/pnas.1418878112(2015). Étude de psychologie expérimentale sur l’effet du genre dans la sélection académique au niveau de la prétitularisation aux USA. Différentes approches sont utilisées, par exemple, la présentation de cas hypothétiques à des personnes en position de prendre de telles décisions. Le résultat montre que les femmes sont préférées à deux contre un. OK, je veux bien qu’il y ait actuellement un certain biais en faveur des femmes, mais, en Suisse en tous cas, la réalité des nominations est bien différente. De nouveau la question: qu’a-t-on mesuré? 

 

17.4.15. Science 348, 6232. Un riche numéro.

-303 – 307 + Insights 288-9. BIOLOGIE STRUCTURALE, CRYO-ME. Greber et al. (Zürich) Structure du mitoribosome. La révolution de la cryo-microscopie est en marche. Elle a commencé il y a quelque 18 mois par la publication de quelques modèles de structures atteignant la résolution atomique. La plus remarquable de ces structures nouvellement résolues et le mitoribosome. Un groupe de Zürich et un groupe de Cambridge sont en belle concurrence, publiant chaque quelques mois le raffinement suivant de leurs modèles. Nous en avons déjà parlé ici (Science, 7.11.14; http://www.dubochet.ch/jacques/?p=417#more-417). Rappelons: le ribosome est une énorme structure formée d’un demi-millon d’atomes, d’une centaine de protéines et de plusieurs filaments d’ARN. Chaque cellule en contient un grand nombre. Leur fonction: la synthèse des protéines à partir du message de l’ADN via RNA interposé. Les bactéries ont leurs ribosomes. Les cellules supérieures (eucaryotes) ont aussi les leurs, nettement différents. Il y a 1,5 milliard d’années, une cellule eucaryote (de l’époque) a avalé une bactérie (de l’époque) et, surprise, surprise, au lieu de l’habituelle digestion de la première par la seconde, les deux cellules se sont entendues en une collaboration qui dure encore et qui s’est étendue à l’ensemble du monde des eucaryotes. Dans cette collaboration, la bactérie s’est spécialisée dans la production de carburant (la molécule d’ATP). Elle est devenue l’organelle que l’on appelle mitochondrie. Durant cette évolution, le ribosome bactérien initial a considérablement évolué. On lui donne le nom de mitoribosome. Les ribosomes bactériens comme ceux des eucaryotes ont été intensément étudiés depuis 50 ans. Le mitoribosome, par conte a été étonnement négligé. Jusqu’il y a 2 ans, on n’en savait pas grand-chose. Tout à coup, il s’offre à nous par sa carte atomique complète … et l’on sent venir quelque chose de fondamental.

En 1952 (?) Watson et Crick ont découvert la structure de l’ADN. Leur article se termine par une phrase fameuse (citée de mémoire): « Il n’a pas échappé aux auteurs que la structure proposée a des conséquences fonctionnelles intéressantes ». Oui, intéressante, on peut le dire; elle révèle le mécanisme le plus fondamental de la vie, la réplication, le passage de l’information génétique d’une génération à la suivante. Sur cette base fracassante, le programme de la recherche biologique était tout tracé: résoudre les structures pour en comprendre la fonction. Depuis, on devint très bon à résoudre la structure des protéines et de différents complexes ± significatifs. La base de données centralisée PDB contient plus de 100’000 modèles à résolution atomique. Pourtant le résultat global est décevant. Ces structures sont peu bavardes et même en les torturant de toute manière, elles n’avouent que péniblement leurs fonctions. La raison, en est peut-être que, contrairement à l’ADN dont la fonction de réplication est condensée dans le principe simple de l’appariement des deux brins, la grande majorité des fonctions biologiques font appel à des interactions complexes dans des structures multiples. Pour y comprendre quelque chose, il faut voir grand.

Arrive le mitoribosome, organelle complexe fonctionnant par l’interaction de plus de 100 sous-unités structurales, que la cryo-ME révèle d’un coup, tout entier. Les chercheurs observent et s’étonnent. Ils remarquent, par exemple, une petite molécule inattendue, enfouie dans la structure, ou alors une protubérance bizarre que l’on ne retrouve pas dans les ribosomes cellulaires et déjà, alors que l’étude ne fait que commencer, ils remarquent que la molécule surprise comme aussi la protubérance font sens. Les voir dans leur contexte révèle leur fonction.

Est-ce, 50 ans plus tard, le retour à la case de départ de la biologie structurale… par la cryo-ME? Comme on peut l’imaginer, l’idée me plait.

– 327 – 330. CLIMAT, GLACIER, ANTARCTIQUE. F. S. Paolo et al. La perte de volume de la banquise antarctique s’accélère.  D’abord, ne confondons pas la banquise, qui est la couche de glace formée sur la mer refroidie, et le flot glaciaire qui se déverse dans la mer. L’article rapporte 20 ans de mesures de quantité de glace dans la banquise durant les 20 dernières années. Résultat: de 1994 – 2003, le volume total était stable avec une légère décroissance en Antarctique de l’Ouest et légère croissance à l’est. De 2004 à 2012, l’ouest est en forte diminution alors que l’est a cessé de croitre. En 20 ans, les grandes banquises de l’ouest ont perdu jusqu’à 18% de leur épaisseur.

Pour ce qui est de la masse totale de glace, la banquise est relativement peu importante. Par contre, elle joue un rôle stabilisateur de l’écoulement des grands glaciers. Gardons l’oeil sur la banquise, sa disparition pourrait être un déclencheur de l’écoulement glaciaire. On l’a vu, ça peut être sérieux au nord (voir: ), au sud, aïe aïe!

– À ce propos, un article du Scientific American du 1er mai est relevant. Il concerne la stabilité de la banquise arctique (elle est beaucoup plus mince que les grandes banquises antarctiques). En substance, il noté que, là où est la banquise, il n’y a pas de vagues. La banquise se disloque lorsqu’elle est soumise à des vagues venant de l’extérieur, et ce, d’autant plus que les vagues sont grandes – évidemment – et longues. Pour que les vagues soient grandes et longues, il faut du vent et de la distance. Avant l’échauffement climatique, la banquise arctique s’étendait la majeure partie de l’année jusqu’à la terre (Sibérie, Alaska, Canada, Groenland) ou pas très loin. Ainsi: pas de mer libre, pas de vagues, banquise stable. L’échauffement climatique change la donne: recul de la banquise, mer libre, vent et vague contre la banquise, plus de mer découverte, plus grandes vagues… etc. Ainsi s’explique peut-être que le recule des glaces arctiques dépasse toutes les prévisions.

– 333 – 336. Features: 274 – 281. CHIENS, DOMESTICATION, SOCIOBIOLOGIE. Nagasawa et al. Les chiens ont détourné le mécanisme d’attachement des humains. Le chien est de beaucoup le plus ancien animal domestique: 15 – 30’000 ans selon les archéologues. Arrive la génétique. Elle confirme la plus ancienne de ces valeurs ou plus encore. Elle montre aussi que tous les chiens descendent du loup, mais on ne sait pas si cette évolution a une ou plusieurs origines. En tous cas, le génome du chien est identique à celui du loup à 99,9%. Pour comparaison, notons que la différence homme-chimpanzé est de 1.5% ce qui ne surprend pas puisque la séparation loup/chien est si récente. Autrefois on imaginait qu’un humain avait, un jour, adopté un bébé loup et l’avait éduqué en un chien domestique. Ce n’est pas possible. Apprivoiser un bébé loup peut se faire dans une certaine mesure, mais le résultat adulte est quand même un loup ± dénaturé. Le scénario probable est plus lent. Il commence par des loups intéressés aux restes de nourriture d’une troupe humaine. Ceux des loups qui étaient les moins effrayés par l’homme et qui étaient les moins agressifs envers lui ont profité au mieux de cette relation. La sélection naturelle a favorisé le renforcement de cette relation. Comment cela s’est-il passé. L’article dont il est question ici apporte une réponse surprenante et, à mon sens, d’importance majeure.

La femme humaine comme la louve s’attache à ses petits. L’hormone ocytocine en est l’expression physiologique majeure. Chez l’humain l’attachement a pris des formes très évoluées, en particulier dans l’attachement à l’intérieur du couple ou celui du père pour ses enfants, toutes choses qui ne sont pas dans la nature du loup. Ces attachements sont liés à des signaux tels que le toucher, les odeurs, les pleurs du bébé, mais chez l’homme, le plus caractéristique passe par le regard. On se regarde, on se sourit, on s’aime… et dans le processus monte le taux d’ocytocine chez les deux partenaires. Le loup ne regarde pas dans les yeux. Tous les chiens le font avec intensité. Les expériences rapportées ici consistent à laisser se regarder le chien et le maitre et à constater que le taux d’ocytocine en est augmenté chez les deux en même temps qu’est augmentée la bienveillance mutuelle. L’application intranasale d’ocytocine au chien renforce son regard vers l’homme ainsi que les marques d’attachement.

On en conclut que durant le cours de l’évolution du loup en chien, le mécanisme d’attachement de la chienne vers ses petits à été repris et étendu à l’attachement du chien – femelle ou mâle – envers l’être humain. La rapidité avec laquelle s’est développée cette propriété comportementale complexe ne semble pas compatible avec un ajustement pièce par pièce selon le laborieux processus du bricolage de l’évolution. Il faut croire qu’elle a été mise en place comme un bloc cohérent. On a l’impression que la « cassette sociale » de la relation femelle/petit a été recyclée presque telle qu’elle dans la relation sociale homme/chien. Comme il n’y a qu’un pour mille de différence entre le génome du chien et celui du loup, il ne sera peut-être pas trop difficile d’élucider ce qu’est cette « cassette sociale » et ses nouvelles régulations chez le chien. La cassette sociale du chien étant visiblement assez semblable à celle de l’homme (l’expérience rapportée ici confirme ce que savent tous les cynophiles), ce que l’on va apprendre de l’une nous informera aussi sur l’autre.

23.4.15 ÉTHIQUE. GÉNÉTIQUE. La rumeur est officielle.

La rumeur circulait depuis quelques mois; la grande presse confirme aujourd’hui la publication d’un article décrivant la première correction d’une maladie génétique dans un embryon humain. Elle concerne la correction du gène responsable de la thalassémie bêta. (Par hasard, mon élève Mina fait son travail d’année au gymnase sur ce sujet précisément). En Suisse, comme dans 60 autres pays, ce genre d’intervention est interdite. Elle inquiète. On y reviendra.

http://www.rts.ch/info/sciences-tech/6726688-des-chinois-sont-parvenus-a-modifier-genetiquement-des-embryons-humains.html

24.4.15, Science 348,6233

380- 1.POLITIQUE SCIENTIFIQUE. Gilles. News. Proposition de budget pour les sciences US par le président du comité des affaires scientifiques de la chambre des représentants. Il y a déjà quelque temps que Lamar Smith (R – TX) sévit, mais il semble que la situation actuelle lui est favorable. Il s’encourage. Son programme s’appelle America COMPETES. Il implique en particulier. Désignation des domaines importants pour la Nation. Diminution massive >50% du financement des sciences sociales et géosciences. Ferme la recherche sur le climat au DOE (dpt. energie). Et le plus beau. Interdit le gouvernement de faire un usage politique des résultats de la recherche du DOE.

Pour ce qui est des sentiments humanistes, la torture fait mal au ventre. Pour ce qui est de la raison, le mouvement antiscience dont M. Smith ou autres deniers sont les porteurs, me fait presque aussi mal.

394-5: perspectives; 428-431; 431 – 434. CHIMIE. ENVIRONNEMENT. Suite réflexion avec Jean-Claude. D’où vient la différence de concentration isotopique dans les gaz organiques tels que CO2 ou CH4. Les réactions chimiques produisant le gaz ont une efficacité qui dépend de l’isotope. L’effet, qui porte typiquement sur quelques o/oo, diminue avec la température. La température des dinosaures a ainsi été estimée. Dans les deux articles dont il est question ici, l’analyse est plus subtile. Les auteurs déterminent la concentration des molécules qui contiennent plusieurs isotopes lourds (e.g: 13CH3D et autres, ou la ribambelle des O2 telle que 18O17O). De là, ils déduisent l’origine des réactions qui ont produit le gaz. Par exemple le chemin photosynthétique de O2 (Yeung et al.) ou l’hydrogénation du C par H2 du méthane (Wang et al.)

– 442 – 444. BIOTECHNOLOGIE. Alain, Gilles, Lary. Gantz & Bier (La Jolla, USA.) The mutagenic chain reaction (MCR). De Science du 8.8. 2014 nous avions rapporté le développement du Gene Drive System qui permet de faire qu’une mutation introduite (hétérozygote) force l’homozygotie à la génération suivante. Ainsi le lent et incertain processus évolutif d’envahissement d’un trait dans une population est cout circuité par une domination forcée. Le présent article utilise le système CRISPR/Cas9 à même fin. Je ne peux pas juger ce que vaut le nouveau système par rapport à celui de 2014. Quoi qu’il en soit, ce que l’on peut imaginer des possibilités de l’une et de l’autre de ces techniques est fracassant. Ce que l’on n’imagine pas l’est sans doute encore plus. Comme il se doit, les auteurs rappellent le risque que l’un de ces construits échappe. Ils proposent un protocole qui empêcherait sa viabilité hors labo. Ils parlent aussi de l’urgence d’un vaste débat et citent le moratoire d’Asilomar pour y penser. Lip service, comme on dit en anglais.
L’affaire m’inspire le petit conte suivant.

On a trouvé de l’or, là-haut, sur la montagne du village de Heidi. Les premiers sur place ont vite su en tirer profit. Ils ont creusé avec vigueur, ont abattu quelques rochers et ont veillé à bien assurer leurs droits exclusifs sur la mine et ses produits. Ils ont aussi observé les larges fissures que leurs efforts avaient provoquées et ils se sont demandé: « oh là, est-elle stable cette montagne? » Après quoi, ils sont allés voir le Président et le Bureau du Conseil Communal in corpore pour les informer de la menace qui plane sur le village et leur suggérer de faire exécuter de toute urgence les travaux qui, peut-être, éviteront l’effondrement catastrophique. Ils ont proposé de diriger les travaux.

 

30.4.15, Nature 520.

– 600 – 603. ÉTHIQUE, RECHERCHE. Alain, Gilles. News, D. Cryanoski. Collateral Damage. L’Institut Riken, et ses différents centres étaient LE fleuron de la science – surtout biologique – japonaise et le paradis pour ceux qui y travaillaient. Financement et salaires généreux, indépendance dans la recherche, libre d’enseignements – un peu comme l’EMBL, mais sans limites de temps pour les chercheurs engagés. Conséquemment, les chercheurs de Riken sont au « cutting edge » de la science et les chercheurs « normaux » les regardent sans aménité. Au début 2014 un groupe du Riken Center for Developmental Biology (CDB), annoncent avoir découvert comment transformer des cellules somatiques normales en cellules souches par un simple traitement physique (à la limite, il deviendrait possible de refaire simplement un organisme entier à partir d’une cellule quelconque du corps). Très vite les résultats sont mis en doute puis il apparait qu’ils reposent sur des données frauduleuses. La réaction des autorités est massive jusque au plus haut niveau. C’est comme si la nation tout entière se sentait attaquée. Un coauteur de l’article – personnage important et cofondateur de l’Institut – se suicide. Toute l’institution Riken est paralysée. Une commission gouvernementale est désignée pour analyser le cas et proposer les mesures à prendre. Au lieu de se borner à identifier les tricheurs, comme habituellement dans un tel cas, elle considère d’abord les conditions qui ont pu conduire au dérapage. Leurs propositions sont larges et sévères. L’une d’elles appelle à « démolir le CDB parce que, en tant qu’organisation, il induit structurellement la fraude ou est incapable de la détecter ». La Direction et même le nom du CDB sont remplacés, le budget réduit de 40%. Aujourd’hui, le Centre et Riken tout entier se sentent malades et ils le sont. Beaucoup de voix critiquent la sévérité de la procédure qui revient à jeter le bébé avec le bain, ils suggèrent que la jalousie a joué un grand rôle et que le fait de mettre tous les membres du Centre dans le même paquet est malhonnête et inhabile.

Je constate que dans les affaires de tricherie scientifique, j’ai le plus souvent l’impression que les petits scientifiques agités sont des boucs émissaires adéquats pour limiter les dégâts. Dans le cas Riken, les Japonais innovent à l’extrême opposé. Dans les deux cas, un meilleur équilibre serait bienvenu, mais – comme disent les artilleurs – après tant de coups trop courts, un coup trop long peut-être bienvenu. Si j’avais quelque chose à dire à la science en général et à l’EPFL en particulier, je suggèrerais, à titre prophylactique, de prendre note du coup japonais.

– 615 – 16. GÉNÉTIQUE. Clément, Laurée, Mario, Urs. Recension de 3 livres. Small talk. Lorsque l’on a commencé à déchiffrer le génome des organismes supérieurs, on s’est étonné que seulement une petite partie code pour des protéines (2% chez les humains). Ne sachant rien du reste, beaucoup l’ont hâtivement appelé « junk DNA » (ADN-poubelle). Puis, petit à petit, on a découvert que cette « matière noire » est transcrite en ARN de toutes tailles et on a découvert des rôles pour certains de ces ARN. Bref, le nouveau crédo est inversé: tout est fonctionnel dans le message génétique. Ce qui était imaginé « junk » est ainsi devenu le meilleur de nous. La merveilleuse nature humaine est à trouver dans cette mer de composantes issues de l’ADN qui ne code pas pour des protéines. C’est en gros le message de ces trois livres. Alors donc, quelle valeur et quelle fonction faut-il attribuer à ce DNA qui reste passablement mystérieux?

L’autre jour (le 29.4) Chris Pointing du MRC de Cambridge posait cette question dans le cadre du séminaire hebdomadaire du DEE. Son approche est fondamentale: fonctionnel est ce que l’évolution contraint, le reste est bruit de fond, ballast ou parasite. Si un codon (une lettre de l’ADN) est contraint par l’évolution, c’est à dire s’il joue un rôle dans la fitness (la survie) de l’organisme, il aura tendance à être précieusement conservé s’il est utile ou alors, il sera éliminé s’il est perturbateur. Le « junk » inutile changera au hasard, selon le taux d’erreur classique des mécanismes de reproduction du message génétique. Bref, le taux local de mutation est un indicateur de la fonctionnalité du message auquel il contribue. Notons quand même que les mutations sont trop rares pour que la mesure soit statistiquement valable sur un seul codon. La résolution de la méthode est relativement faible, mais ce qu’elle dit se moque de tous les détails fonctionnels, seul « ça sert » ou « ça ne sert pas » compte. Résultat: 8% du génome est contraint. Et le reste? On le sait, il n’est pas rien, il fonctionne, il est biophysiquement et biochimiquement actif, biologiquement probablement aussi, mais il ne sert pas à l’individu. 92% du génome humain ne raconte que du small talk, bruyant, inutile pour l’organisme, peut-être utile pour quelques étranges formes de parasitisme.  

– 640 – 645. CRYO-ME, STRUCTURE MOLÉCULAIRE. Encore une structure de ribosome; une de plus pour celui des eucaryotes. De mieux en mieux, 3.6 – 2.9Å par un groupe plutôt modestement connu (B. Klaholz à Strasbourg). C’est l’inflation des modèles; la Cryo-ME se démocratise.

Science actualité, mars 2015

01.03.05. Scientific American.

– 15. INNÉ et ACQUIS. Deux frères jumeaux américains, actuellement de 51 ans, sont astronautes. Mark Kelly a déjà donné! Il a fait plusieurs missions à la Station spatiale. Scott est un bleu, il va y monter un de ces prochains jours (c’est fait) dans le cadre d’une étude sur l’effet à long terme d’un séjour dans l’espace. Mark fait aussi partie de la mission, mais il restera au sol, il sera la référence exempte du bruit de fond de la variable génétique.

– 50 – 57. ÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE. S. Donner. Fantasy island. Les 33 iles de Kiribati (100’000 habitants) sont des atolls perdus au milieu de Pacifique. Aucune ne dépasse 4m. Elles sont l’objet d’un grand mouvement de compassion, d’un substantiel flux d’argent et d’une avalanche de conseils pour les aider face à la montée des océans que le monde écolobienveillant, mais mal informé imagine déjà catastrophique. Ce n’est pas le cas, les autochtones, polis, en rient. Stupidement cet article ne donne pas l’estimation de la montée des océans, mais il constate qu’elle est encore négligeable en pratique et que la surface de ces iles croît un peu grâce à la bonne gestion des habitants et l’activité des coraux. Je n’ai pas de bons chiffres, mais, à ma connaissance, la montée des océans que l’on peut attribuer à l’échauffement climatique est probablement de l’ordre de 10cm. Depuis 1960 la moyenne annuelle est d’environ 1.6mm. Durant la dernière décennie, elle atteint environ 3mm/an.

Légende urbaine: les océans montent, les côtes sont rongées, déjà un flux de réfugiés climatiques fuit la montée des eaux dans les iles du pacifique. Ça viendra sans doute, mais, pour le moment, c’est faux.

 

5.3.15. Nature 519

-11. INDE, POLITIQUE SCIENTIFIQUE. Arjun. Le nouveau budget pour la science est connu. Il sera légèrement en dessous de l’inflation et la recherche sur les énergies renouvelables est coupée de 68%

– 13 – 14; 24 – 26. EBOLA. Les dégâts collatéraux de l’épidémie. S. Reardon (mental-health). E.C. Hayden (mères et enfants). L’épidémie a touché 24’000 personnes, 9’700 sont mortes. Les femmes enceintes forment le groupe le plus touché. La personne infectée et son enfant survivent rarement à l’accouchement qui est aussi particulièrement dangereux pour les accompagnants. Un tiers du personnel médical mort d’ebola était engagé en gynécologie. Ce fait connu dans la population a pour conséquences que ces femmes sont triplement bannies. Elles sont rejetées des familles, de l’assistance locale (transports), des centres médicaux locaux. Même dans les hôpitaux équipés – mais surchargés – elles doivent attendre le diagnostic fait dans des centres spécialisés avant d’être pris en charge. Ainsi, les femmes enceintes sont privées de support médical et humanitaire. Il est estimé que 120’000 femmes en sont mortes dans les pays de l’épidémie.

– Une petite bonne nouvelle toutefois: l’OMS vient d’approuver un test US simple qui permet de déterminer si une personne est infectée en 15′. Il ne nécessite aucune infrastructure. Jusqu’ici il fallait envoyer un échantillon de sang à un laboratoire spécialisé qui recherchait l’ADN du virus par PCR. Typiquement, il fallait un jour pour cela. La mise à disposition du nouveau test est une étape décisive pour la lutte contre l’épidémie. C’est le virologiste Robert Garry de l’Université de New Orléans qui l’a mis au point avec la firme Corgenix au Colorado. Il s’agit peut-être de la première contribution sérieuse de l’industrie pharmaceutique.

– L’article de Reardon décrit quelques problèmes de santé mentale liés à l’épidémie. Les relations interpersonnelles sont bouleversées dans les communautés. On parle de congélation des contacts sociaux. Il faut aussi imaginer la relation soignant-patient alors que le premier tente de traiter le plus de patients possible pendant le temps limité pendant lequel il peut supporter le scaphandre anti-infection. Une population entière va devoir sortir de son traumatisme, mais l’infrastructure pour l’y aider est inexistante. Avant l’épidémie, il y avait un (1) psychiatre au Libéria et aucun en Sierra Léone. Le drame Ebola n’est pas terminé.

– 106 – 109. BIOPHYSIQUE. Laurée. Dans une protéine, la chaine d’acides aminés est repliée en une forme spécifique dont résulte la fonction de la molécule. Dans certaines protéines, des portions de la chaine restent désordonnées. Ils peuvent, par exemple, jouer le rôle de tentacule pour accrocher ou repousser des voisins de passage. C’est le cas de l’histone H1 ou de protéines des pores nucléaires. Certaines protéines sont intrinsèquement désordonnées et on se demande bien ce qu’elles peuvent faire. Le présent article étudie une protéine désordonnée (4E-BP2) impliquée dans le contrôle de la traduction (l’opération de synthèse des protéines) dans des neurones. La découverte rapportée ici montre que cette protéine devient ordonnée par adition de groupes phosphates en certains emplacements de la chaine désordonnée. Ainsi, une protéine non fonctionnelle, parce qu’informe devient active en prenant sa forme grâce à la phosphorylation. Le fonctionnement d’une cellule est contrôlé par des mécanismes dont la richesse ne cesse de nous étonner. Voici donc un mécanisme et une surprise de plus.

 

06.03.15. Science 347, 6226

– 1064 – 5. SANTÉ, POLITIQUE. Arjun, Lucy. S. Baker. Revient-on au temps d’avant les antibiotiques? Vers 1970, Édouard (mon patron) avait un copain – Anderson si je ne m’abuse – qui était le consultant du gouvernement Anglais pour les problèmes de santé publique. Son cheval de bataille était le développement des résistances aux antibiotiques. Il dénonçait l’utilisation irresponsable de ces médicaments et prédisait le prix qu’il faudra payer. Il s’échauffait vite! Aujourd’hui, la situation est bien avancée. Les souches résistances se développent partout. Les mécanismes qui conduisent à la résistance sont impressionnants. Par exemple, SXT est un groupe de gènes liées qui transmet d’un seul coup au Vibrio cholerae la résistance aux – tenez-vous bien -, sulfamethoxazole, trimethoprimsulfate, chloramphenicole, streptomycine et beta-lactame. Apparu en 73 au Bangladesh, ce facteur se retrouve maintenant partout dans le monde, mais bien d’avantages dans les pays pauvres. Heureusement, on commence à s’agiter, même au plus haut niveau politique. La recherche de nouveaux microbicides, qui avait été largement abandonnée depuis des décennies, parce que trop couteuse, est maintenant réactivée par quelques fortes initiatives politiques. Déjà il y a des succès (Nature 23.1.15; http://www.dubochet.ch/jacques/?p=501#more-501). Toutefois le présent article montre que de nouveaux médicaments n’apporteront qu’une solution locale et momentanée. Ce qu’il faut, c’est changer radicalement les conditions d’utilisations. Comme l’illustre dramatiquement l’épidémie Ebola, la solution n’est pas primairement dans les labos; elle est sur le terrain. Il faudra des moyens, en particulier dans les pays en voie de développement où, faute de diagnostic précis et de suivi sérieux, on donne n’importe quoi, n’importe quand. Ce n’est pas tellement mieux dans les pays développés, en particulier avec l’insupportable pratique d’ajouter des antibiotiques à la nourriture animale. Pour le moment et pour le futur prévisible, ce sont les pauvres qui paient le prix fort.

No. spécial. 100 ans RELATIVIÉ GÉNÉRALE. Malheureusement, la relativité générale, je ne la comprends pas. Les maths sont trop difficiles. J’en retiens ici deux choses:

            – La physique moderne repose sur deux bases: (i) la relativité générale et (ii) la physique quantique. Les bases de la seconde ont été élaborées par un bon nombre de personnes durant un bon nombre d’années et elle ne cesse d’être approfondie depuis. La relativité générale elle, sort du cerveau d’une seule personne en travail intense et solitaire durant deux ans, publié le 2 décembre 2015 en 4 pages auxquelles rien n’a été ajouté ni retranché depuis, si ce n’est les innombrables observations confirmant sa rigoureuse exactitude.

– Arjun. Dans les années 30, l’Indien Subrahmanyan Chandrasekhar (Chandra) combinant physique quantique et relativité générale conclut que les étoiles les plus massives deviendraient instables en fin de vie et s’effondreraient sans limite. Eddington, ponte fameux qui avait participé à la première démonstration expérimentale de la théorie de la relativité générale en 1919, le ridiculisa, estimant qu’il s’agissait d’une « bouffonnerie stellaire ». La querelle dura quelques années, Chandra quitta l’Angleterre pour les USA et changea de domaine, mais son idée reçu plus tard le nom de trou noir et lui, le prix Nobel de 1983.

12.3.15. Nature 519

– 166, 193 – 202. BIOLOGIE MOLÉCULAIRE, BIOTECHNOLOGIE. Clément. Nunez et al, Heler et al., CRISP. La découverte d’importance fondamentale de l’immunologie bactérienne date de 2007. Elle fonctionne ainsi. Lorsqu’un virus attaque une bactérie, des fragments de son ADN sont intégrés entre des séquences spécifiques du génome bactérien. On y retrouve alors ce pattern caractéristique formé d’une succession de séquences répétitives délimitant des séquences virales diverses accumulées au cours des générations. C’est la mémoire immunologique de la bactérie. Associé à cette mémoire existe un processus qui détruit le DNA d’un attaquant, reconnu comme homologue à une séquence mémorisée. C’est remarquable! L’exploration de ce mécanisme complexe va bon train. Les deux articles cités sont des contributions remarquables.

Pour nous, toutefois, le plus important avec le système CRISP, c’est qu’il ouvre la voie à l’ingénierie précise et efficace du DNA. Pour en faire quoi? Le bruit circule que, d’une part, des travaux sont en cours sur des embryons humains, et de l’autre, que des prises de position fortes sont sous presse. On va en reparler.

– 148 – 50. CONFLIT. Lucy. D. Jones. Wars without end. Une approche systémique de la complexité permettrait, prétendent certains, de mieux aborder ces conflits qui n’en finissent pas (Inde-Pakistan, Israel-Palestine, Chypre, RDC, etc.) On comprend ainsi que, sur la fonction de paysage du conflit, une situation qui semble bloquée dans un trou de potentiel sans issu visible peut se résoudre si l’on enrichit la fonction, typiquement, en augmentant le nombre de dimensions considérées ou par une meilleure analyse empirique de leurs relations. C’est tout à fait le genre de raisonnement que je développe dans mon chapitre « faire juste ». L’idée est certainement correcte, mais sur quoi débouche-t-elle? (i) Sur le bon conseil qu’il faut voir large et bien évaluer les différents aspects du conflit ou (ii) qu’une simulation informatique de mille robots virtuels conduira à des solutions réalistes que nul n’avait imaginés. Bof, j’ai peu d’espoirs avec la deuxième approche. Je crains plutôt qu’elle détourne de la simple nécessité de bien penser.

13.3.15. Science 347, 6227.

– ENVIRONNEMENT, ÉCONOMIE. Lucy, Gilles, Peter. S. Naem et al. (40 scientifiques d’institutions diverses, principalement US). La bonne science pour payer le service à l’écosystème. La politique classique de protection de l’environnement veut que le pollueur paie. Aujourd’hui, on tend vers le système proactif du PES: payer pour le service de l’écosystème. La méthode s’étend dans l’agriculture suisse. Typiquement on en voit la marque dans les bandes de terrain non cultivé le long des chemins ou les vaches sorties de l’étable en hiver. Elle l’est plus encore au niveau mondial. Le protocole de Kyoto en est le fameux exemple. Les buts révisés du millénaire de l’ONU pourraient en faire grand cas après 2015. Trois domaines sont particulièrement concernés: l’eau, le carbone et la biodiversité. Le problème est que la mise en oeuvre des PES de manière politiquement robuste et scientifiquement solide est difficile. Ainsi, on constate par exemple que le protocole de Kyoto ne fonctionne pas, comme le prouve la valeur dérisoire de la tonne de CO2, et les paysans suisses nous disent assez les âneries que leur font faire les « spécialistes » de l’administration. Le présent article analyse tous les PES identifiables de par le monde et constate que la majorité  d’entre eux ne sont pas scientifiquement fondés. Fort de cette analyse les auteurs définissent les critères qui doivent être respectés pour rendre les projets scientifiquement acceptables. Ils incluent: un but clairement défini, une situation de départ connue, une action scientifiquement motivée, une procédure d’évaluation, etc. Le principe des PES pourrait être une forte méthode politicoscientifique pour le développement durable. Encore faut-il savoir l’utiliser. C’est comme pour la marche du monde, de l’Europe et même de la Suisse, qui semble trop compliqué pour être conduite (Gilles). Les efforts pour mieux conduire sont bienvenus.

– 1240 – 42. EBOLA, SANTÉ. Akosh. Takahashi et al. Danger de rougeole postebola. Le système sanitaire des pays touchés par l’épidémie Ebola s’est effondré. Nous avons parlé des dégâts collatéraux affectant les mères et les nouveau-nés (Nature, 5.3.15). Ici est discuté le risque lié à l’interruption de la vaccination de la rougeole. Il faut savoir que la rougeole est extrêmement contagieuse; on compte que chaque malade transmet la maladie à 15 autres personnes; pour Ebola, le chiffre est inférieur à 2, même au pire moment de la crise. Selon les données épidémiologiques présentées, une interruption de la vaccination pendant 18 mois causera de l’ordre de 200’000 cas supplémentaires avec autant de morts qu’en a causées l’épidémie d’Ebola. Pour l’éviter, une seule solution: une campagne intensive de vaccination dans les régions en danger. NB. Cet article comme beaucoup d’autres est certainement lié au changement de vitesse dans la recherche sur la façon dont se développe une épidémie. Pour Ebola même, les résultats n’ont pas été impressionnants. A-t-on ainsi fait des progrès? Nous aurons sans doute l’occasion de le savoir bientôt.

– 1243 – 6. PSYCHOLOGIE, POLITIQUE. Lucy. Wojcik et al. Les gens de droite se prétendent plus heureux, ceux de gauche le sont. La psychologie prétend devenir quantitative par le BigData et la statistique. Est-ce que ça marche? Pas de réponse avec le présent article, mais beaucoup de questions. Il est bien établi (r=0.12) que les gens de droite se disent plus heureux que les gens de gauche. Sans doute sur une base husserlienne, l’autoévaluation du bonheur est considérée comme l’approche la plus solide (il s’agit d’évaluer des phrases du genre « en gros, ma vie est presque idéale »; voir YourMoral.org pour s’y essayer). Ces résultats sont validés, normalisés, quantifiés selon différents paramètres. Le présent article met en question la valeur de l’autoévaluation du bonheur. Il se demande s’il n’existe pas un biais systématique dû à un phénomène d’amplification par autoconviction. Pour être plus objectifs, les auteurs utilisent (i) les mots prononcés (emotion scale in psychological litterature PANAS-X pour analyser les « emoticons » joyeux ou tristes) et (ii) la physionomie analysée par ordinateur. Il s’agit là d’évaluer si le sourire est du type Duchenne (coin de la bouche relevé et activité périocculaire = le bon sourire) ou non-Duchenne dans lequel manque l’activité périocculaire ce qui en fait un faux sourire.  Munis de ces deux ensembles de paramètres, les auteurs analysent les paroles et des images des politiciens du Congrès US ainsi que 47’000 Twitts de personnes identifiées comme conservatrices ou libérales. C’est ainsi qu’ils arrivent à la conclusion susmentionnée, renforcée de moult r, beta, P et chi2.

Reste à remarquer que le résultat me plait et à me demander: fait-il sens? Plus généralement: que vaut cette psychologie quantitative sur le Big Data? J’ai l’impression que dans notre institut, on est beaucoup plus sévère dans l’analyse des données de populations et beaucoup plus modeste dans les conclusions. Subsidiairement, pensant aux biais qui sont majoritaires dans les études médicales, comment ne pas être prudent face à une conclusion pareillement plaisante? 

19.3.15. Nature 519.

– MUSIQUE, HISTOIRE. Agnes. Un podcast: http://go.nature.com/xhluk3. Le père de Galliée était un luthiste obsédé de musique, mais l’interaction entre science et musique ne s’arrête pas là.

– 266. EBOLA. Depuis la semaine passée, un médicament canadien pour soigner les personnes malades est en test en Sierra Leone. Les prémisses sont favorables. Ainsi, on pourrait se retrouver très bientôt avec (i) un test rapide et facile pour détecter les malades, (ii) un médicament pour les soigner et (iii) un vaccin pour protéger la population. On tient les pouces.

– 276. SANTÉ. E.Dolgin. The myopia boom. Les gens du Sud-est asiatique deviennent massivement myopes. Que se passe-t-il? Des expériences suggèrent qu’ils ne vont pas assez à la lumière du soleil. Cette condition pose des risques de cécité avec l’âge. Les teenagers de Shanghai font leur devoir 15h par semaine contre 5-6 aux USA et en Angleterre. Qu’en est-il en Chine? Je rapportais récemment un article du New York Review (http://www.dubochet.ch/jacques/?p=435) prédisant la faillite du système chinois parce qu’il pousse à l’apprentissage massif plutôt qu’à la compréhension et la créativité.

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– 309 – 314. GÉNÉTIQUE, POPULATION. Leslie et al. The fine-scale genetic structure of the British population. Un article pour illustrer ce que la combinaison de l’analyse génétique et la statistique nous enseigne. On étudie le génome de 2000 Anglais de pure souche (c’est à dire dont les 4 grands-parents habitaient dans un rayon de 80 km) que l’on groupe par proximité génétique. Ainsi, l’étude porte sur la population anglaise avant les grands chamboulements de la mondialisation. On définit ainsi 17 groupes nettement distincts. Il faut bien dire que c’est la statistique sur un demi-Millon de sites d’ADN pour chaque individu qui révèle cette proximité à l’intérieur du groupe. À vue de nez on ne voit pratiquement pas de différence entre les groupes. Sur la figure ci-dessous, chaque groupe a sa couleur et les 2000 individus sont placés sur la carte. Ce qui saute aux yeux, c’est à quel point la population est structurée et comment la génétique et la statistique le révèlent. La 2e partie de l’article ajoute 6000 individus de l’Europe continentale. Apparaissent alors toutes les migrations et les peuplements de l’histoire de l’Angleterre. On apprend par exemple que la population primitive de Celtes n’était pas uniforme, pas plus que celle des Saxons venus plus tard. Ceux-là ont apporté près de la moitié du patrimoine génétique actuel.

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20.3.15.Science 347, 6228

– 1298. BIOLOGIE, CHIMIE. R.F. Service. Origine de la vie. Un article de J. Szostak (gr. Sutherland à Boston) online dans Nature Chemistry. Pour que la vie telle que nous la connaissons puisse commencer, il faut trois types de molécules: des acides nucléiques (genre ARN), des protéines et des lipides. Malheureusement, les conditions qui favorisent la synthèse abiotique d’un type semblaient jusqu’ici contraires aux conditions favorisant les autres. L’article en question semble avoir trouvé une recette. Partant de HCN et de H2S – des composés bien compatibles avec la chimie terrestre originale – il identifie des voies de synthèses activées par l’UV débouchant sur chacun des 3 types de molécules. Un progrès substantiel.

– 1300 – 01. GÉNÉTIQUE, BIOÉTIQUE, POLITIQUE. Cont. Rapport par J. Bohannon et G. Vogel. Ingéneuring génétique. (Voir aussi Nature 26.3). Avec CRISPR, Gene drive, etc. la technologie génétique sort du bricolage pour devenir un outil mûr. Il n’y a plus moyen de tourner autour du pot, il faut décider ce que l’on en fait. La réalité pourrait nous prendre de vitesse. Un article chinois décrivant une intervention sur un embryon humain serait en publication. Un fort groupe, incluant ceux qui avaient initié le moratoire d’Asilomar en 1975, s’est réuni en janvier à Napa (Ca) pour étudier les mesures à prendre pour que les bénéfices potentiels soient développés surement et éthiquement.  L’article sera publié dans Science du 3 avril. Il est déjà online

 

26.3.15. Nature 519

– 389. NEUROBIOLOGIE, POLITIQUE. Gilles. Cont. Éditorial. Repenser le Humain Brain Project. Il y a 9 mois, une fronde de scientifiques européens se dressa contre le Humain Brain Project (HBP) et Henry Markram de l’EPFL (www.neurofuture.eu). Ce projet one-man-show était dénoncé pour son étroitesse conceptuelle et la déraison de ses prétentions. Un comité indépendant fut désigné. Il vient de rendre son rapport qui corrobore pratiquement toutes les plaintes adressées l’an passé. En particulier il reconnait que le but de modélisation du cerveau est irréaliste dans la situation actuelle et la gouvernance autocratique de Markram est léthale pour les collaborations qui devaient être au coeur du projet tel que voulu par la Commission. Que va-t-il se passer maintenant? Le projet central va être dégradé, d’autres aspects de la recherche sur le cerveau vont y être associés; l’ensemble diversifié prendra éventuellement sa place dans la neurobiologie actuelle. Reste à savoir si (i) l’Europe soutiendra encore le projet phare une fois celui-ci rentré dans le rang, et (ii) quel sera le rôle qui restera à l’EPFL. À suivre – voir aussi Science du 27.3, ci-dessous.

-402 – 405. BIOTECHNOLOGIE, ÉCONOMIE, INNOVATION. Gilles. H. Ledford. Le camp pousse-biotech. Silicon Valley est une icône de l’économie conquérante de la fin du 20e siècle. On le sait. Certains rêvent de répéter l’opération avec les biotechs. Cet article décrit 9 semaines d’une école destinées à ceux qui espèrent y contribuer. Les recettes à développer sont simples: ne pas avoir une idée, mais être prêt à sauter sur toutes; pas trop de temps au labo; interviewer, interviewer, interviewer, convaincre viendra dans un autre cadre. Le fond de l’article donne l’ambiance: arrogance, virilité, certitude d’être le meilleur; du moins, il s’agit de faire semblant. Ce n’est qu’un article de journaliste; est-il significatif? Il illustre en tout cas un courant fondamental de notre société. Vivement plus de femmes avant qu’elles n’en soient déshumanisées.

– 410 – 11. BIOÉTHIQUE, GÉNÉTIQUE. Jean. Cont. Lanphier et al. N’éditez pas la lignée germinale humaine. Les auteurs sont de ceux qui ont développé les méthodes pour modifier l’ADN des cellules de manière ciblée et ils travaillent à utiliser ces méthodes pour corriger des maladies dans le cadre de « The Alliance for Regenerative Medecine », vaste regroupement allant d’associations de patients jusqu’à des firmes de biotechnologie en passant par des ONG et autres organisations non commerciales. Leur prise de position a du poids. Les auteurs nous apprennent que des travaux portant sur la modification du génome d’embryons vont être publiés incessamment. On devait s’y attendre avec le récent développement de la technique CRISPR/Cas9 dont nous avons souvent parlé ici (voir ci-dessus, Nature 12.3.15). La pression monte. Les auteurs demandent un moratoire sur toute modification de la lignée germinale et l’initiation d’une large discussion. Il s’agit bien de limiter l’action aux lignées germinales (celles dont les modifications passeront aux descendants) et non pas aux cellules somatiques pour lesquelles la thérapie génique peut être bienvenue (selon l’avis des auteurs, que je partage). Le problème ne concerne pas la Suisse puisque la manipulation des cellules germinales y est spécifiquement et constitutionnellement interdite, ni 14 autres des 22 nations européennes. Pourtant il est considérable et inévitable.

Voir aussi: http://www.technologyreview.com/featuredstory/535661/engineering-the-perfect-baby/

– 443 – 445; N&W 417 – 8. EAU, CRYO-EM. Algara-Siller et al. Glace cubique et glace carrée. La molécule d’eau se place naturellement au centre d’un cube dont 4 sommets sont occupés par les molécules voisines. En ajoutant un «etc.» on obtient la glace cubique, bien connue en cryo-ME, ou hexagonal, bien connue de tous. Ici, les auteurs laissent l’attraction mutuelle de deux lames de graphène expulser l’eau prise en sandwich jusqu’à ne laisser qu’une ou quelques couches monomoléculaires. Le graphène, cet étonnant arrangement 2-dimensionel de carbone, forme des plans monoatomiques extraordinairement plats et solides. Écrasé entre ces plans, l’arrangement cubique habituel des molécules d’eau est aplati en carré. Les 4 liaisons de la molécule d’eau étant toutes occupées dans ce plan, il ne reste plus de liaisons disponibles pour lier d’autres molécules d’eau dans la 3e dimension. La couche d’eau monomoléculaire est ainsi parfaitement hydrophobe et ces lames d’eau carrées glissent l’une sur l’autre comme eau sur graisse. Dans cette histoire, est-ce l’eau ou le carbone qui nous surprennent le plus? En tout cas, on admire; la nature et la photo.

square ice_Nature 2015

 

27.3.15. Science 347, 6229

– 1397. POLITIQUE SCIENTIFIQUE- Éditorial. Ils sont fous ces Américains. L’augmentation des tremblements de terre en Oklahoma: Silence imposé à l’office de géologie de l’État. Échauffement climatique et développement durable: des mots interdits aux employés d’États de Floride. Il y a 10 ans, le département d’État voulait imposer le silence aux employés du service fédéral de la faune. En réponse, en 2009, Obama garantit la libre expression des chercheurs et la protection des dénonciateurs. Vivement que cette protection s’étende aux États.

 

– 1406 – 7. NEUROBIOLOGIE, POLITIQUE SCIENTIFIQUE. Enserink. Redémarrage d’un milliard cérébral. Il s’agit du Humain Brain Project. Le rapport de Science est plus sévère que celui de Nature (26.3). Au départ il y a eu la lettre de A. Pouget de Genève et Z. Mainen de Lisbonne, soutenue par une centaine de scientifiques, protestant contre la marche du Human Brain Project (HBP). « Un de nos buts était de mettre fin à l’affaire entre Markram et les médias ». Un panel de scientifiques de haut niveau fut désigné – sans Markram ni les deux protestataires. « Un consensus eut été difficile avec Henry et moi (Pouget) dans la même salle. » La Commission européenne désigna aussi un panel anonyme. Les deux groupes arrivent essentiellement aux mêmes conclusions telles que: « extremly troubling unrealistic claims; HBP needs honest and more modest strategy; need for a new interntional gouvernance entity ». P. Gillet, vice-président de l’EPFL accepte toutes ces conclusions. Markram n’est pas disponible. Reste maintenant à les mettre en pratique . Là réside la grande incertitude.

– 1441 – 46. CRYO-ME, BIOLOGIE STRUCTURALE. Urnavicus et al. (MRC, Cambridge) µ-tubules, dyneine et dynactine. La protéine dynéine est la principale locomotive du transport le long des voies que sont les µ-tubules. La dynactine est un cofacteur essentiel. Cette étude par cryo-me à une résolution de 8 – 4Å décrit ce gros complexe de 23 sous-unités comprenant deux filaments de type actine de 4 et 5 sous-unités. Un modèle de fonctionnement en est déduit. Je compte les points pour la cryo; en voilà un gros de plus.

– 1480 – 84. ÉDUCATION, STATISTIQUE. Widom et al. Transmission intergénérationnelle d’abus sur les enfants: réalité et biais de détection. C’est un fait connu et robuste: les enfants abusés ont tendance à devenir des parents abuseurs. Les auteurs élargissent, contrôlent par enquêtes individuelles et réanalysent les données. Ils concluent que l’effet est un biais dû au fait que les parents connus pour avoir eux-mêmes subi des abus sont surveillés de plus près et sont plus facilement identifiés comme abuseurs. Le prétendu effet disparait lorsque qu’il est tenu compte de ce biais. Reste le drapeau rouge de danger qu’il faut agiter chaque fois que s’accumulent les mots-clés tels que: statistique, sciences sociales, politiques, économie, intérêts financiers, morale. Dans ce cas, j’agite.