La crise de la vie coûte cher et son prix augmente

La crise du climat, chez nous, tout le monde la connaît et, mis à part quelques ahuris qui, bizarrement, trouvent quand même la voie des médias, chacun se rend compte qu’il y a là un vrai problème. Par contre, la crise de la vie et de la biodiversité semble beaucoup moins troublante. Pourtant, du climat en folie ou de la biodiversité qui s’effondre, quel est le pire ? Un article tout récent (Turbelin, 2023), que je n’aurais certainement pas remarqué s’il ne m’avait été envoyé par un ami attentif (merci à lui), essaie de répondre à cette question en évaluant les coûts de chacune des deux formes de dégâts. Ils sont si différents que l’exercice est difficile. Pourtant, le résultat me semble convaincant. Il est sûrement important.

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Trou noir

Dans la Rome antique, Caton ajoutait à toutes sauces sa conviction qu’il fallait détruire Carthage. Cela devait être un peu barbant à la longue. Quant à moi, dès que j’ouvre le bec, j’ajoute : « il est vital et urgent de sauver la vie et le climat ».
Voilà, c’est fait, je l’ai redit.

 

Un phénomène mystérieux qui devient un peu compréhensible est pour moi l’objet d’une vraie satisfaction. Un récent article (Ref. 2) m’a joliment donné ce plaisir que je vais essayer de partager. Il s’agit de trous noirs (TNs). Continuer la lecture de Trou noir

Le livre de la ZAD

Vendredi passé, 30 mars 2023, 2 ans exactement après que la police a mis fin à la ZAD du Mormont, est paru le livre qui fait revivre cette expérience historique.

Rappelons les faits.

  1. Le Mormont est cette étonnante extension du Jura qui divise le canton de Vaud entre le Nord et le Sud. C’est notre « milieu du monde ». C’est un site naturel d’importance nationale qui fut un mystérieux haut lieu de la civilisation celte et un canal de navigation au début de l’ère industrielle. Aujourd’hui, l’usine de ciment Lafarge-Holcim d’Éclépens en fait sa matière première pour le bétonnage de nos régions; ce faisant, le site est le plus grand producteur de CO2 du canton (quelque 8%). L’usine a déjà creusé un très grand trou ; elle veut le faire beaucoup plus grand. Il y a pourtant longtemps que ce site cher aux vaudois est âprement défendu par les protecteurs de la nature. https://www.sauvonslemormont.ch/association/buts/.
  2. Le monde fait face à une crise vitale. Dans son langage mesuré, le GIEC le dit plus fort que jamais dans son rapport de synthèse publié il y a dix jours. Le résumé en 6 points est ici : https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/6e-rapport-devaluation-du-giec-6-points-cles-et.
    La conclusion en est que, pour sauver notre civilisation, il faut sortir très vite de l’usage des combustibles fossiles et changer radicalement notre relation à la nature. Malgré beaucoup de paroles et quelques efforts préliminaires, nous en sommes loin. Dans la situation actuelle, le monde dans lequel nous vivons court à sa perte. J’ajoute que, personnellement, je reste persuadé que si nous le voulons, nous pouvons le sauver.
  3. Le 17 octobre 2020, huit mois après la fameuse mise aux arrêtes de rigueurs du pays en raison du Coronavirus, un groupe de jeunes, proches des mouvements de défense de la vie et du climat, s’installent sur le plateau de la Birette au Mormont. C’est le prochain endroit visé par Lafarge-Holcim pour continuer d’approvisionner son usine d’Éclépens. Ces jeunes sont venu⋅e⋅x⋅s  parce que, ça ne va pas de laisser notre civilisation courir à la catastrophe, ça ne va pas de détruire la nature, ça ne va pas de vivre chacun pour soi. Iels sont venus parce qu’iels voulaient sauver la Birette et ses orchidées et parce qu’iels voulaient vivre ensemble la vie qu’iels voulaient juste. Iels l’ont fait avec force, courage et détermination jusqu’au 30 mars 2021 quand la police est venue mettre violemment fin à leur expérience.

Et alors ? Que faire et que devenir quand s’écroulent 5 mois de vie intense, d’engagement enthousiaste, de rêves, de danses, de rires, de joies et de luttes ? Que faire quand il ne reste qu’un vide immense – comme la carrière que Lafarge-Holcim va continuer de creuser ? Que faire quand beaucoup sont poursuivi⋅e⋅x⋅s, harcelé⋅e⋅x⋅s, menacé⋅e⋅x⋅s, condamné⋅e⋅x⋅s  par un système obtus et sans pardon ? Comment s’en sortir ?

Ce fut dur. Les zadistes et celleux qui leur étaient proches ont essayé beaucoup de choses ; en particulier iels ont créé le livre de la ZAD (Edition d’en bas, Lausanne).  Il a pour titre « Orchidées contre béton armé » avec, en sous-titre, « Mémoires de la ZAD de la colline » . C’est un livre qui pèse 1,4 kg et qui compte 500 pages ; il présente quelques 150 contributions signées par 50 auteurices, chacun⋅e⋅x – sauf trois – identifié⋅e par le pseudonyme qu’iel s’était donné⋅e sur la ZAD. L’œuvre est une somme de photos, de dessins, de peintures, de chants et, surtout, de textes, criant la joie, l’espoir, la fureur et, toujours, l’émotion de celleux qui ont vécu l’extraordinaire aventure de la ZAD et qui veulent la faire perdurer.

La faire perdurer ! Eh oui, il le faut, car, de deux choses l’une : ou bien notre société fera sien le message des zadistes – moyennant les adaptations nécessaires à son extension – ou bien elle sera emportée avec le chaos du climat et la détresse de la vie.

En attendant, je vous propose d’acheter et méditer « Orchidées contre Béton armé » disponible en librairie depuis hier. En vous dépêchant, vous pourrez aussi aller voir le spectacle « BOOOM ! », au théâtre de Vidy jusqu’au 6 avril. Plus tard, il sera à Genève et à La Chaux-de-dond. Dans le fond, « BOOOM ! » ou « Orchidées contre béton armé », le message est le même. Bonne lecture, bon spectacle.

Bizarrerie énergétique

Au 19 :30 du 13 décembre, la RTS annonçait : « La fusion nucléaire réussie pour la première fois aux États-Unis », https://www.rts.ch/info/sciences-tech/technologies/13620530-la-fusion-nucleaire-reussie-pour-la-premiere-fois-aux-etatsunis.html. Revenez à cette émission, ses explications et ses interviews parce que la nouvelle, tournant en boucle dans tous les médias du monde, vaut le détour. Il est dit que le processus par lequel le soleil produit son énergie a été réalisé pour la première fois sur terre dans une machine nommée NIF.  Les mots semblent trop faibles pour exprimer la grandeur de l’accomplissement.  On croit comprendre qu’il s’agit d’une percée décisive, promesse d’électricité durable, propre et sans limite.

Le résultat annoncé est en effet remarquable, mais la réalité que cache cette agitation est bien différente. Plusieurs articles nous l’expliquent, par exemple : Mecklin, J., The Energy Department’s fusion breakthrough: It’s not really about generating electricity. The Bulletin of the Atomic Scientists. 16.12 2022.

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Récit

Connaissez-vous la Maison du Récit à Lausanne (https://lamaisondurecit.ch) ? C’est un endroit magique où Katia Delay fait parler ceux qui ont quelque chose à dire ou quelque chose à exprimer – vous par exemple, avec le projet en cours de cet hiver, « Transformer les récits de nos vulnérabilités ». Il y a quelques semaines, Laurence et Jean Martin ainsi que mon épouse Christine et moi, deux couples actifs avec les Grands-parents pour le climat, étaient invités à dire leurs vues et à faire exprimer celles de participants sur le difficile sujet de la crise de la vie et du climat, qui promet un sombre avenir au monde, à moins que nous ne la transformions en un avenir lumineux. Comme d’habitude à la Maison, le débat fut intense et chaleureux. À un moment donné, une participante mentionna le vieux livre d’Ernest Callenbach, Écotopia. Peu le connaissaient, moi non plus. Il fut un livre culte à sa parution en 1975, mais ce n’est que maintenant qu’il est traduit en français (Folio, Poche, 2021). Aujourd’hui, semble-t-il, tout le monde en parle. Moi aussi.

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Comprendre parce que c’est important.

Souvent, je rencontre des classes d’écoliers ou de gymnasiens, parfois aussi des groupes moins jeunes.  J’aime toujours ces moments – parce que je suis bavard et – parce que, le plus souvent, ils débouchent sur des discussions intéressantes. Évidemment, je parle de la crise de la vie et du climat. On peut imaginer que le sujet est usé ; mais non, l’expérience montre que la plupart des gens n’en savent pas grand-chose. Alors, j’ai pris l’habitude de commencer en projetant deux ou trois diapositives destinées à assurer les bases ; celle-ci, par exemple.

Il s’agit de la courbe qui montre comment la concentration du CO2 dans l’atmosphère augmente au cours du temps. Non seulement elle monte, mais, si on regarde bien,

on voit qu’elle monte de plus en plus vite. L’essentiel de la crise du climat est là. La plupart des gens le savent ; peu l’ont compris.

À partir de là, j’aime aller un peu plus loin. Je demande à l’assistance la raison de cet étrange « tremblement » qui marque la courbe d’année en année. Le plus souvent, les gens n’y ont pas pensé ! Il faut insister pour que quelqu’un s’aventure à en donner la raison : le CO2 de l’air est la substance de la vie ; la végétation s’en nourrit au printemps et le rejette en l’automne. C’est facile quand on a compris, une certaine satisfaction se lit dans l’auditoire.

Alors, j’en rajoute une couche. « Eh ! Ce cycle des saisons est pour l’hémisphère Nord ; où donc est passé l’hémisphère Sud ?»  La réponse vient rarement de la salle. Il suffit pourtant de regarder une mappemonde pour constater qu’il y a beaucoup plus de terre émergée au Nord qu’au Sud.

Je parlais l’autre jour à une audience d’adultes mûrs et cultivés. Ils ne dormaient pas – cela aurait pu être une explication – ils semblaient intéressés par mon exposé, mais il a fallu pas mal de soutien de ma part pour répondre à la question du tremblement de la courbe et personne n’a su poursuivre sur le problème du Nord et du Sud.  Peut-être avais-je mal dormi, toujours est-il que je me suis fâché. « C’est incroyable, vous avez devant vous le récit réaliste de la catastrophe qui est en train de détruire notre société, nous avec, et vous ne savez même pas le lire.  Les images de Jhéronimus Bosch vous parleraient sans doute davantage ! »

Vint enfin la discussion. Elle se déroula fort civilement et se termina par une intervention inhabituelle : « Vous savez, vos courbes, vous pouvez les garder. Je n’en ai pas besoin. Vous, les savants, mettez-vous plutôt d’accord et dites-nous une bonne fois ce qu’il en est. »

« Merci d’avoir été aussi directe. Votre opinion est rarement exprimée, mais je soupçonne qu’elle est souvent partagée ».

On peut le comprendre parce que comprendre est difficile ; le monde est si grand alors que notre tête est si petite. Ainsi, beaucoup – la plupart peut-être – laissent à d’autres cette tâche éreintante, mais, ce faisant ils acceptent les fakes news, les réalités alternatives, les manipulations des lobbies ; surtout, ils tuent la démocratie.

Ce blogue a pour titre « Comprendre parce que c’est important. »

Je ne peux que vous y inviter.

Crever de chaud

Cet été, nous avons eu l’impression de « crever de chaud ». Malheureusement, il s’agissait de bien plus qu’une image. Comme le prouve la statistique, les gens meurent plus que d’habitude en temps de canicule. Alors, en attendant, on leur dit de boire beaucoup et de ne pas s’agiter, mais on ne sait quand même pas qui sont ceux qui meurent ni pourquoi. On ne voit pas très bien quelles expériences sur des personnes pourraient nous éclairer.

Or voici qu’un article récent (Jörgensen et coll. 2022 ; explication dans : Clusella-Trullas, 2022) apporte des éclaircissements fondamentaux.

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Énergie, où est le problème ?

Prologue

Dans ma dernière contribution à ce blog, je vous ai parlé de ma panique; pas celle que pourrait susciter le climat en folie et la vie qui meurt, mais celle causée par le fait que nous ne faisons rien pour éviter ces incroyables catastrophes alors que nous avons tous les moyens de le faire.  Je prétendais même connaître quelques idées qui permettraient de progresser sur la voie d’un futur harmonieux et durable. Voyons donc !

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Au pied du mur

Il y a 50 ans, jour pour jour, le premier octobre 1972, les époux Meadows publiaient pour le compte du Club de Rome, la fameuse analyse intitulée « Les limites à la croissance ». Ils affirmaient que notre société de consommation effrénée courrait à la catastrophe ; dans 50 ans elle s’écrasera contre le mur. https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_limites_à_la_croissance.

Aujourd’hui, nous y sommes.

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